Face aux révolutions et insurrections qui ont marqué l'histoire de la France, les régimes républicains ont, pour se défendre, dû sacrifier en partie les principes mêmes de leur philosophie politique. Ils n'ont ainsi pas hésité à restreindre gravement les garanties individuelles en transférant par exemple les pouvoirs de police des autorités civiles aux autorités militaires. « Par situation extrême, on doit comprendre celle d'un Etat dont l'ordre intérieur est gravement troublé voire l'existence menacée par un facteur dont l'élimination suppose le recours à des moyens extraordinaires qui outrepassent au sein d'un Etat de droit le cadre normal de son action» définit le Dictionnaire de philosophie politique (voir bibliographie). L'état d'exception désigne dans le domaine juridique l'ensemble des moyens prévus pour faire face à une telle situation d'extrême danger. « Prévoir l'imprévisible ! Telle est la lourde tâche assignée aux législations d'exception » s'insurge pourtant Pierre-Clément Frier, docteur en droit. Ces législations doivent organiser à l'avance un droit spécial permanent pour les temps extraordinaires. De nombreuses théories des circonstances exceptionnelles voient le jour comme celle d'André Mathiot ou de Lucien Nizard à la suite de la guerre d'Algérie et l'article 16 de la Constitution de 1958. Ces études vont parfois dans le sens d'une approbation des législations d'exception ; plus souvent elles tendent à les condamner et à en rechercher explicitement des moyens de contrôle. Les législations d'exception qui peuvent être utilisées au sein de l'état d'exception sont donc intimement liées à une certaine idée de nécessité. « Idée de nécessité est de toutes les époques et de tous les régimes » écrivait J. Lamarque dans La théorie de la nécessité et l'article 16 de la Constitution de 1958. Cette observation est autant évidente à l'historien qu'au juriste mais en droit, la nécessité et l'exception revêtent une allure particulière : il s'agit d'écarter la règle applicable en raison des circonstances ou d'une finalité supérieure mais également de se soustraire aux rapports dits normaux entre gouvernant gouvernés.
[...] Sur la base de l'article 38 de la Constitution en effet, le Gouvernement peut demander, pour l'exécution de son programme, au Parlement, l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi Bien que nullement limitées aux périodes de crise, les ordonnances s'avèrent très utiles, grâce à leur souplesse, pour faire face à des situations imprévues. Ainsi, si le péril national est évident ou imminent, les ordonnances, délibérées en Conseil des Ministres et signées par le Président de la République, contiennent des lors des règles nécessitées par les évènements. S'il n'est donc pas aisé, en période de crise, de concilier les impératifs d'une action rapide et les nécessités d'un certain contrôle pour ne pas porter atteinte à l'état de droit, l'équilibre réalisé dans le régime des ordonnances paraît assez satisfaisant. [...]
[...] Le Conseil d'Etat dans sa décision Laugier du 16 avril 1948 a élargi la notion de circonstances exceptionnelles afin qu'elle puisse être applicable avec ce qu'il nomme la crise nationale grave Plus tard, le Conseil d'Etat a permis d'invoquer des circonstances exceptionnelles dans des cas de catastrophes naturelles (décision du 18 mais 1983, Félix Rodes). Le juge apparaît donc comme le créateur des circonstances exceptionnelles. Dès lors, comment placer la règle, dont le caractère est suprême dans un Etat de droit, face à la dérogation que représentent les circonstances exceptionnelles ? Cela revient-il à dire qu'en cas d'application de législations d'exception, la règle disparaît ? [...]
[...] Elles ne s'appliquent qu'à des situations peu fréquentes et le juge administratif exerce un contrôle de la réalité de l'urgence. Néanmoins, des situations de dérive sont possibles et ont été rencontrées, ce qui renforce la vision selon laquelle les législations d'exception peuvent être considérées comme portant atteinte à l'état de droit. II/ . mais qui peuvent tout de même faire l'objet de dérive : On peut affirmer que paradoxalement, loin de l'affaiblir, les crises ont plutôt tendance à renforcer l'Etat, et, du même coup, les législations mise en place pour y faire face entraînent un recul du droit. [...]
[...] Lucien Nizard précédemment cité y répond : l'application de législations exceptionnelles apparaît comme la condition de non application du régime juridique normal. L'exception est un cas qui tout en rentrant dans le champs d'application de la règle de droit est privé du bénéfice du régime juridique organisé par elle La dérogation par les législations d'exception n'empêche pas l'existence et la permanence de la règle. Pour Hauriou, la loi ne saurait tout prévoir : dans certaines circonstances, l'administration doit constater la carence législative. [...]
[...] Il faut en effet résister à la tentation de créer un droit d'exception pour le réprimer, sous peine d'entraver le bon fonctionnement de l'état de droit. La justice américaine à ce titre, été confrontée à des bouleversements à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Le dispositif anti-terroriste a en effet soulevé de nombreux problèmes du fait de la mise en place de mesures spéciales. Dick Cheney, vice-président américain, a même déclaré que les terroristes ne méritent pas les mêmes garanties que les citoyens américains subissant le processus judiciaire normal Cela va sans dire que cette prise de position est en contradiction avec le respect de la troisième Convention de Genève qui requiert qu'une Haute partie contractante traite les prisonniers de guerre de façon humaine et respecte leur droit ( ) L'administration invoque la jurisprudence d'urgence pour justifier de la légalité du Patriot Act. [...]
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