Selon Montesquieu, « il y a des cas où la puissance doit agir dans toute son étendue ; il y en a où elle doit agir par ses limites. Le sublime de l'administration est de bien connaître quelle est la partie du pouvoir, grande ou petite, que l'on doit employer dans les diverses circonstances. » Si cette citation suppose une grande cohérence de l'administration, on peut se demander si cette observation est encore valable alors que l'on assiste aujourd'hui à une dispersion de plus en plus grande de la pratique du pouvoir réglementaire par les différentes autorités de l'État, pouvoir qui jusque là était soumis aux limites les plus strictes, car n'étant pas, comme la loi, l'expression de la volonté générale.
Le pouvoir réglementaire se définit en tant qu'acte unilatéral de l'administration qui édicte des dispositions de caractère « général et impersonnel, applicables de façon permanente à l'ensemble des citoyens ». Ce pouvoir peut prendre plusieurs formes : décret, directives, arrêtés, circulaires... C'est ainsi le contenu réglementaire et non la forme qui définit l'acte réglementaire.
[...] Le président peut éventuellement rendre au Premier ministre une compétence : il suffit qu'un décret en Conseil des ministres le prévoit (CE septembre 1996, Collas). Il s'agit d'une véritable consécration de l'extension du pouvoir réglementaire du Président. La clarification et le renforcement de la distinction entre le pouvoir réglementaire du Premier ministre et celui du président par la jurisprudence renforcent la cohérence de ce pouvoir dans la mesure où elle limite les chevauchements et les confusions dans les compétences de l'un et de l'autre. L'impératif de cohérence et d'unité est en effet central dans l'action administrative. [...]
[...] Enfin, on peut également avancer l'argument de l'intention des constituants qui transparait dans les débats parlementaires au sujet de la révision constitutionnelle de 2003. Ceux-ci montrent en effet qu'il n'existe pas de partage de compétences qui mettrait en concurrence les pouvoirs réglementaires des articles 21 et 72. Dans les jurisprudences concernant les limitations du pouvoir réglementaire local et celui des autorités administratives indépendantes (mais également pour les entreprises publiques et certains organismes privés), on retrouve ainsi la même logique, de subordination à la loi d'une part et de subordination au pouvoir réglementaire général d'autre part. [...]
[...] Le champ d'application du pouvoir réglementaire des AAI connaît une limite fondamentale : il ne doit pas permettre une remise en cause de la capacité du gouvernement à définir la politique nationale dans les domaines concernés. Ainsi, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi qui donne pour mission à la Banque de France de définir la politique monétaire de la France (CC août 1993, décision relative à la politique monétaire, n°93-324 DC). Concernant le pouvoir réglementaire local, celui-ci est distinct de celui du Premier ministre car il découle de la seule loi et non pas directement de la Constitution comme le second. [...]
[...] La jurisprudence est abondante en la matière : CE, sect novembre 1962, Géraud (pour un décret ayant purement et simplement renvoyé à un arrêté le soin de prendre des mesures dont la loi avait prévu qu'elles seraient prises par ledit décret) ; CE, sect décembre 1975, Delcros, Ragot et autres (pour un arrêté ministériel renvoyant à une instance consultative le soin de prendre une mesure qu'un décret l'avait chargé de prendre) ; CE, ass juin 2000, Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen (pour un décret ayant illégalement renvoyé à un arrêté le soin de prendre des mesures qu'il lui revenait de prendre en vertu d'une loi). Enfin, la jurisprudence consacre la subordination de ces pouvoirs réglementaire délégué au pouvoir réglementaire général. Ainsi, le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution s'oppose à ce qu'une compétence réglementaire de portée générale soit attribuée à une autorité publique autre que le Premier ministre (CC janvier 1990, Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, n°89-269 DC). [...]
[...] Elle doit donc être conforme aux principes généraux du droit ainsi qu'aux lois et règlements, spécialement ceux dont elle fait application. L'administration détient un large pouvoir d'appréciation pour déterminer quand il lui paraît utile de recourir à cette théorie des directives. Cependant cette théorie n'a pas une application générale dans tous les secteurs de l'administration. Le Conseil d'Etat a notamment exclu son recours dans le droit de la fonction publique (CE novembre 1977, Mme Si Moussa). Dans la pratique, le ministre s'octroie également une compétence réglementaire par le biais des circulaires. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture