[...] L'idée essentielle est que le tirage au sort est une procédure centrale de la démocratie athénienne, puisque c'est l'un des moyens utilisés pour désigner des représentants. Les démocraties modernes n'y ont plus guère recours, estimant qu'il s'agit d'un mode de désignation archaïque (on l'utilise pourtant par exemple dans la désignation des jurys des Cours d'Assises, sur la base des listes électorales). Mais ce n'était donc pas l'idée que les Grecs se faisaient eux de la démocratie. De fait, à Athènes, l'utilisation du tirage au sort repose sur une conception forte de l'égalité entre les citoyens et sur le refus de la professionnalisation. Aristote souligne que l'avantage du tirage au sort, cumulé à une rapide rotation des mandats et des magistratures, est de permettre que tout gouverné sera un jour gouvernant et vice-versa. On peut ici toutefois s'interroger sur l'ampleur de cette égalité, puisque seuls 10% des habitants d'Athènes accèdent à la citoyenneté.
Manin rappelle par ailleurs que le lien entre démocratie et tirage au sort est effectué jusqu'au milieu du XVIIIème siècle. Pour Rousseau comme pour Montesquieu, le tirage au sort apparaît comme une caractéristique évidente du régime démocratique. Il y a donc eu ce que Bernard Manin appelle une « éclipse » du tirage au sort. C'est l'élection qui s'est imposée comme procédure démocratique par excellence, au point d'être aujourd'hui l'étalon de la qualité démocratique d'un régime politique. Mais c'est un paradoxe, car l'élection comporte par nature une part de signification aristocratique.
Par ailleurs, l'élection renforce le mouvement de professionnalisation, c'est-à-dire renforce le sentiment et la réalité d'une coupure entre gouvernants et gouvernés (...)
[...] Et il nous suggère tout simplement que le pouvoir ne peut reposer simplement sur la violence, mais que son exercice même suppose une part d'adhésion, de consentement. Peut-on mesurer le charisme ? L'idée est que Weber ne fournit pas d'autres moyens que des moyens intuitifs pour cela. Or, la mesure du charisme se révèle délicate. Dans les régimes totalitaires d'abord, car ici le consentement peut être largement perçu comme extorqué, ce qui va à l'encontre de la distinction proposée par Weber entre domination légitime et puissance D'où l'idée que l'on pourrait éventuellement faire, au moins dans les régimes démocratiques, du suffrage l'un des indices du charisme. [...]
[...] Cette question fait appel aux développements sur l'Etat, et notamment aux travaux de Pierre Clastres. C'est en effet la question à laquelle Clastres apporte des éléments de réponse, en suggérant non seulement qu'on le peut en théorie, mais que certaines sociétés dans l'histoire se sont effectivement passées de l'Etat. On pouvait ici développer en rappelant les analyses de Pierre Clastres sur quatre points : la chefferie (qui ne constitue pas l'amorce d'un pouvoir séparé que l'on pourrait prendre pour les prémisses d'un Etat, car le chef est prisonnier de la société ; l'idée que ces sociétés sont mobilisées contre l'Etat c'est-à-dire contre les origines de l'apparition de l'Etat (dont la division sociale est le germe) ; les conditions selon Clastres (mais aussi Lapierre) de l'apparition de l'Etat (emballement de la machine guerrière, etc) ; enfin, l'idée que l'absence d'Etat ne signifie pas pour Clastres absence de coercition, car les sociétés mobilisées contre l'Etat sont extrêmement coercitives. [...]
[...] On notera toutefois de l'un à l'autre, une certaine inflexion dans le contenu même et les formes de cette violence. Eventuellement physique et directe chez Marx, elle devient largement symbolique chez Bourdieu, même si les acteurs et les bénéficiaires de cette violence sont les mêmes (la bourgeoisie pour Marx, les dominants pour Bourdieu). Entre les deux auteurs, il était possible d'évoquer le travail de Norbert Elias, qui confirme l'idée d'une euphémisation de la violence. Elias fournit enfin le lien avec l'autre auteur essentiel ici : Max Weber. [...]
[...] Licence en droit - Science politique Année universitaire 2011-2012 Questions à réponses ouvertes et courtes : Cinq questions. Le tirage au sort est-il anti-démocratique ? L'idée essentielle est que le tirage au sort est une procédure centrale de la démocratie athénienne, puisque c'est l'un des moyens utilisés pour désigner des représentants. Les démocraties modernes n'y ont plus guère recours, estimant qu'il s'agit d'un mode de désignation archaïque (on l'utilise pourtant par exemple dans la désignation des jurys des Cours d'Assises, sur la base des listes électorales). [...]
[...] Manin rappelle par ailleurs que le lien entre démocratie et tirage au sort est effectué jusqu'au milieu du XVIIIème siècle. Pour Rousseau comme pour Montesquieu, le tirage au sort apparaît comme une caractéristique évidente du régime démocratique. Il y a donc eu ce que Bernard Manin appelle une éclipse du tirage au sort. C'est l'élection qui s'est imposée comme procédure démocratique par excellence, au point d'être aujourd'hui l'étalon de la qualité démocratique d'un régime politique. Mais c'est un paradoxe, car l'élection comporte par nature une part de signification aristocratique. [...]
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