La principale matière enseignée dans les Instituts d'Etudes Politiques est, fort logiquement, la science politique. Depuis la fin du XIXe siècle, ce terme de
« science » est attribué aux champs de connaissances au sein desquels la démarche intellectuelle des chercheurs s'inscrit - idéalement - en dehors des dogmes, et se base sur un examen raisonné et méthodique de phénomènes grâce à des théories et à des pratiques rigoureuses. Elle vise à produire des connaissances résistant aux critiques rationnelles, ainsi qu'à développer nos moyens d'action sur le monde. C'est en cela, par exemple, qu'une science diffère des arts, ou du travail d'un érudit.
Toutefois, le terme de « science » politique n'a pas toujours été judicieusement choisi. Il fut un temps où la science politique n'était en effet guère scientifique. Incontestablement, on a assisté, au cours du XXe siècle, à des changements importants et profonds dans la discipline. C'est ce processus par lequel la science politique, en tant que discipline académique, a peu à peu utilisé une méthode scientifique pour produire de la connaissance concernant la politique que nous allons étudier.
Les Anglo-saxons disposent, pour qualifier ce phénomène, du terme, sans doute disgracieux, mais néanmoins utile, de « scientification ». Cela suggère une relation double entre la science et son objet. Ainsi, comme le dit Weingart, cette relation « peut être décrite comme étant l'interdépendance de deux dynamiques - la scientification de la politique, et la politisation de la science » (Weingart, 2002). Or, depuis la naissance de la discipline, un éternel débat agite certains cercles de chercheurs :
- La politique est-elle un art ou une science ?
- Si la politique est une science, la science politique peut-elle pour autant être une véritable science, permettant de découvrir des lois sous-jacentes à la politique ?
- Si la science politique est une véritable science, est-ce pour autant une bonne chose ?
Nous allons tout d'abord étudier quels sont les éléments essentiels d'une méthode scientifique en science politique. Y a-t-il des différences entre les sciences dites « dures » et la science politique ? Et si non, peut-on considérer que la science politique, utilisant les outils généralement attribués aux sciences « dures », est à même de rentrer dans cette catégorie ?
[...] Une théorie scientifique, ainsi, ne doit pas être un reflet parfait de la réalité, mais plutôt un modèle qui, en ignorant les faits et les détails qui ne sont pas essentiels, permet d'expliquer un processus général. Selon James Roger, l'irréalisme de tout modèle n'est pas un vice, c'est une vertu (Rogers, 2006). Ainsi, une carte routière est un modèle de la surface de la Terre qui déforme la réalité. Mais elle contient tous les détails nécessaires pour parvenir à son but : nous guider. Ces jalons étant posés, on peut désormais tenter de comprendre les grandes phases de l'évolution de la science politique vers une scientificité plus poussée. [...]
[...] L'arrivée à la Présidence de Woodrow Wilson, ancien doyen de l'université de Princeton, et surtout auteur du très remarqué Congressional Government, joue une part non négligeable dans la prise de conscience de la spécificité de la science politique. Pour la première fois, ces revues rassemblèrent les travaux de chercheurs s'accordant pour utiliser le terme de science dans le sens d'une étude objective. En 1910, Lowell presse les chercheurs d'étudier comment les organes du gouvernement fonctionnent, plutôt que de chercher à trouver comment ils devraient fonctionner, et les appelle à faire usage de l'outil statistique (Lowell, 1910). [...]
[...] C'est là, notamment, une différence entre l'art et la science, qui utilisent différentes méthodes pour répondre à différentes problématiques, en utilisant différentes sortes de connaissances. Second point de la méthode scientifique, l'observation systématique de faits empiriques. L'observation scientifique doit être fiable, et doit pouvoir être reproduite. Et si la science est basée, en tout premier lieu, sur la différence entre le fait et l'opinion, les scientifiques doivent apporter des informations concernant leur méthode, afin que leurs pairs puissent évaluer leur travail et, éventuellement, s'en servir dans leurs recherches futures. [...]
[...] Bibliographie Jon Bond, Some observations on the Behavioral Evolution in Political Science, The Journal of Politics Pierre Favre, Naissances de la science politique en France : 1870-1914, Fayard Kim Hill, The Lamentable State of Scientific Education in Political Science, PS: Political Science and Politics Paul Lazarsfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet, The People's Choice, Columbia University Press Lawrence Lowell, The Physiology of Politics: Presidential Address, American Political Science Review Charles Merriam, Recent Advances in Political Methods, The American Political Science Review Lawrence Olivier, Guy Bédard et Jean-François Thibault, Epistémologie de la science politique, Presses de l'Université du Québec Karl Popper, The Logic of Scientific Discovery, Basic Books Leo Strauss, "Epilogue", in Herbert Storing Essays on the Scientific Study of Politics, Holt, Rinehart and Winston Weingart, Peter, The Moment of Truth for Science: The Consequences of the ‘Knowledge Society' for Society and Science, EMBO reports http://www.nature.com/embor/journal/v3/n8/ full/embor093.html#B14#B14. June A. Wuffle, Reflections on Academia, PS: Political Science and Politics 1986. [...]
[...] Où en est la science politique aujourd'hui ? On l'a vu, il semble difficile de nier les progrès de la science politique durant son premier siècle d'existence. L'utilisation d'une méthode scientifique devient un critère décisif quant au jugement des pairs sur les études de leurs collègues au cours des années 1920. Et à partir des années 1940, quand il apparaît clair que l'étude du comportement électoral est en grande partie basée sur des bases scientifiques, c'est l'utilisation d'outils mathématiques qui révolutionne la discipline. [...]
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