« Sans la participation la plus large de tous, il n'y aura pas d'identité, il n'y aura pas de dignité, jamais non plus, il n'y aura de citoyenneté » (François Mitterrand – BRON – 1990). Comme dans beaucoup de pays dans le monde, la France ne peut plus s'en tenir à un modèle égalitariste abstrait pour garantir l'égalité entre les individus. Ce que l'on appelle aujourd'hui la « crise du modèle républicain » recouvre en réalité un problème démocratique fondamental, celui de la reconnaissance de l'inégalité des rapports de pouvoir entre différents groupes sociaux. Longtemps occultées, les questions des minorités et des discriminations qu'elles subissent deviennent dorénavant centrales dans le débat public, comme l'ont encore récemment révélé les émeutes de banlieue de novembre 2005. Ces questions constituent un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle en cette année 2007. Cependant, la notion de « minorité visible » telle qu'elle est utilisée en France est un euphémisme qui renvoie à ce qui est désigné en anglais par la notion très institutionnalisée de « race relations ». Non parce que les races existent au sens biologique, mais parce que les opérations de racisation de certains individus ou groupes minoritaires sont constitutives, et parfois structurantes, des interactions interpersonnelles et des pratiques organisées. C'est pour désigner ce rapport social et pour en mesurer les expressions que la notion de «race» s'inscrit dans les pays anglo-saxons dans un ensemble de politiques de la représentation tant dans le monde social que dans l'univers politique, alimentant ainsi au sein de la sphère publique et médiatique le débat des discriminations et des mesures pour les combattre.
La question qui se pose alors, dans ces pays comme en France, est celle des rapports entre ces catégories de minorités telles qu'elles sont construites et instituées dans le monde social et telles qu'elles sont rendues visibles dans les représentations politiques. Comment s'articulent les luttes pour la reconnaissance ? Il sera alors intéressant d'analyser en quoi le thème des minorités traité pendant la campagne présidentielle par les candidats, relève d'une stratégie ambivalente qui consiste soit à en faire un motif d'investissement en faveur de ces populations, soit à stigmatiser ces dernières. En premier lieu, nous étudierons comment les candidats orientent leurs discours lorsqu'il s'agit de s'adresser aux minorités (I), considérées comme un électorat à séduire ou comme bouc-émissaire à stigmatiser pour satisfaire les électeurs friands de discours sur la sécurité. En second lieu, nous comparerons les discours aux pratiques (II) en étudiant les déplacements et les actions des différents candidats sur le terrain ainsi que l'espace accordé aux minorités visibles au sein des appareils de partis.
[...] Le Monde, Ibid. www.bladi.net : les Marocains d'ailleurs (communauté virtuelle du web marocain) www.bladi.net, Op Cit. [...]
[...] A - La stratégie de séduction de l'électorat populaire opérée sur le terrain : concrétisation du discours volontariste Les présidentiables ne comptent exclure aucun électorat potentiel, d'où l'intérêt porté par chacun pour l'électorat des minorités. Depuis le début de la campagne, chacun à son tour se rend sur le terrain pour montrer son investissement dans la cause jeune et sensibiliser les habitants à son discours. La banlieue émerge comme force dans cette campagne, au milieu de personnels politiques élitistes. Le responsable UDF que nous avons rencontré juge l'occupation du terrain des banlieues importante, de même que la sensibilisation des jeunes en marge de la société aux discours politiques. [...]
[...] Entre les lignes, on lit la déception des acteurs de Prairial 21 qui considèrent être les véritables interlocuteurs de la direction du Parti socialiste sur les questions de discriminations. Or «lorsque nous tentons d'attirer l'attention de François Hollande, le premier secrétaire, ou de Ségolène Royal sur ces sujets, explique Chafia Mentalecheta, on nous rétorque que le parti a déjà ses spécialistes en la matière, Malek Boutih, Fadela Amara, de Ni putes ni soumises, ou Safia Otokoré. Nous ne sommes pas de cet avis Les signataires de Prairial 21 pensent avoir plus de légitimité sur ce plan-là. [...]
[...] Une approche que la communauté des minorités visibles dans son ensemble trouvera discutable tant la tendance de Nicolas Sarkozy à stigmatiser les immigrés est patente. Sa gestion du dossier des régularisations des sans-papiers et ses propos sur les banlieues qu'il faut nettoyer au Kärcher ou sur le fait que ceux qui n'aiment pas la France n'étaient pas obligés d'y rester ont laissé des traces et pas que dans les banlieues. Quant au PS, il bénéficie d'une rente de situation liée moins à la personne de Ségolène Royal qu'au fait que la gauche est traditionnellement moins répressive, plus tolérante et humaine que la droite en matière d'immigration. [...]
[...] B La présence des minorités au sein des instances dirigeante des partis : des postes à responsabilités réelles ? Un sondage IFOP, daté du 26 mars 2007 et réalisé pour l'hebdomadaire Jeune Afrique, montre que la majorité des français d'origine africaine, notamment subsaharienne et maghrébine, plébisciteraient Ségolène Royal en lui accordant de leurs voies au 1er tour et au second. De plus, en référence à l'élection présidentielle de 2002, les Antilles et la communauté antillaise de métropole avaient penché à gauche au premier tour grâce à l'effet Taubira Pourtant, en cette année 2007, les leaders qui représentent les minorités et qui bénéficient d'une certaine visibilité médiatique ne penchent pas forcément à gauche. [...]
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