Le berbère, auquel on préfère aujourd'hui le terme amazigh pour se détacher du mot « berbère » dérivé de « barbarus » qui provient de l'ethnocentrisme gréco-romain appelant barbare « les non-civilisés », « ceux qui ne savent pas parler », couvre un territoire immense qui va de l'Algérie au Niger et du Maroc à l'Egypte. Il s'agit de la langue la plus ancienne du Maghreb. Ainsi, des documents archéologiques font remonter l'histoire écrite des amazighes à 5000 ans au moins. Elle appartient à la famille du chamito-sémitique ou afro-asiatique au même titre que les langues couchitique d'Afrique de l'Est telles l'Afar ou le Somali, l'Egyptien ancien et avec un degré de parenté plus éloigné les langues tchadiennes comme l'haoussa. La langue berbère est pluridialectale : elle est, en effet, fractionnée en plusieurs géolectes employés dans des espaces géographiques donnés, qui sont souvent des régions montagneuses, même si l'exode rural ou l'urbanisation des périphéries des villes font que ces dialectes sont de plus en plus parlés dans les villes maghrébines. Sur les 30 millions de berbères vivant dans le monde, c'est au Maghreb et principalement en Algérie et au Maroc que se trouvent le plus grand nombre de berbères, même si des chiffres fiables sont difficiles à obtenir faute de véritables recensements. Au Maroc, où les berbères représenteraient entre 40% et 60% de la population, trois géolectes de l'amazigh sont répertoriés : le tarifite en particulier dans la chaîne du Rif au Nord-est, le tamazight grosso modo dans le Maroc central et dans le sud et le tachelhit dans une ligne reliant Essaouira à Tanant dans le Sud-ouest et la région du Haut Atlas occidental. Quant à l'Algérie, où entre 14% et 25% de la population serait Amazigh, les principales zones berbérophones sont la Kabylie où est parlé le dialecte kabyle ou taqbylit, les Aurès où l'on parle Chaouia, le M'zab avec le M'zabi, le Gourara et enfin le Hoggar avec le targui ou tamachek des touaregs.
[...] En effet, en juillet 2001, le roi lors d'un discours revendique une entité nationale plurielle pour le Maroc et s'exprime ainsi : nous voulons aussi affirmer que l'amazighité qui plonge ses racines au plus profond de l'histoire du peuple marocain appartient à tous les Marocains, sans exclusive Un Dahir crée alors l'IRCAM, l'Institut Royal de la Culture amazighe placé sous protection royale, qui est chargé de sauvegarder et de renforcer la culture amazighe dans l'espace éducatif, socioculturel et médiatique national. L'Amazigh a donc enfin au Maroc un cadre institutionnel avec l'IRCAM. [...]
[...] Il est notamment chargé de donner des avis pour l'enseignement de l'amazigh. Si l'amazigh reste toujours non reconnu par une décision constitutionnelle ou législative, dès la rentrée scolaire de 1995, le Haut commissariat à l'amazighité prend des mesures telles que des stages de formation d'enseignements et des cours d'amazigh dans des lycées. L'enseignement n'est pas pour autant généralisé puisque non obligatoire, et cela même dans les zones berbérophones, surtout que les outils didactiques comme les manuels scolaires et les maîtres qualifiés font cruellement défaut alors même que du fait de la variété dialectale il n'y a pas d'accord sur la norme à enseigner. [...]
[...] Le plurilinguisme doit alors être rejeté au profit de l'idiome coranique. Enfin, l'islamisme politique, né avec les Frères musulmans, a eu une grande répercussion dans le Maghreb à la fin des années 1980 et l'on voit ainsi en Algérie la création en 1987 du M.A.I.A, le Mouvement algérien islamique armé, puis surtout en 1989 du F.I.S, le Front Islamique du Salut. Les islamistes, s'opposant vigoureusement à la barbarie supposée des sociétés non islamiques, s'appuient sur l'arabe, langue du Coran, capable d'unifier la communauté islamique. [...]
[...] Existe-t-il des différences de traitement de cette question entre ces deux pays ? De plus, si on reprend la terminologie du sociologue français Pierre Bourdieu, quelle est la compétitivité de l'amazigh par rapport aux autres pratiques et représentations langagières de ces pays plurilingues ? Quelles sont les stratégies des différents acteurs gouvernement, société civile, arabophones, amazighophones au Maroc et en Algérie sur le marché des biens symboliques ? Existe-t-il un conflit larvé, latent ou exprimé entre la langue minorée et la langue officielle ainsi qu'entre les locuteurs de chacun des groupes ? [...]
[...] Pourtant il reste une question, celle du succès de l'accès à la modernité de l'amazigh par le biais du tifinagh. En effet, une grande partie des moyens de communication moderne tels que l'ordinateur et son clavier alpha numérique ou même le simple sms deviennent inaccessibles au tifinagh puisque l'ajustement du matériel relèverait d'un vrai casse-tête informatique. Des voix se sont donc élevées pour que ce soient les graphies latines et arabes qui soient choisies dans un souci d'opérativité et de diffusion de la langue berbère. [...]
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