Le projet GAP, qui désigne un immense chantier de travaux publics hydrauliques turcs, est aujourd'hui un sujet récurrent de l'actualité. Outre les questions sur son efficacité à développer une partie reculée encore sous-développée de son territoire, et à régler des questions de politique interne, le projet intéresse par son aspect géopolitique indéniable, notamment les tensions qu'il engendre avec les voisins syriens et irakiens de la Turquie.
Nous étudierons alors dans un premier temps le contenu du projet avant d'en analyser les impacts en terme de politique interne et internationale.
[...] En 1999, le gouvernement turc a par ailleurs admis implicitement l'échec du projet en annonçant qu'il en révisait le contenu Les conséquences géopolitiques : vers une guerre de l'eau ? Au-delà d'un impact important, qu'il convient de bien évaluer, en matière d'aménagement du territoire et de politique intérieure, les dimensions politiques internationales du projet sont évidentes. Le projet turc du GAP engendre en effet des tensions avec les voisins de la Turquie situés en aval : la Syrie et l'Irak. Les relations turco-syriennes ou turco- irakiennes se sont donc considérablement détériorées, venant compliquer une situation régionale déjà explosive (Palestine, Kurdistan, conflit irako- iranien, enjeu pétrolier . [...]
[...] Ceci doit ainsi jouer un rôle d'attraction pour l'investissement industriel en créant une demande de formation professionnelle qualifiée et de technologie moderne, et motiver la population en accroissant les revenus et en diminuant les inégalités entre régions turques par une politique d'encouragement à l'investissement national, émigré et à l'épargne une nouvelle donne agricole : irriguer 1,7 millions d'hectares de terres arides, et de ce fait augmenter la productivité agricole et diversifier les activités par l'augmentation des revenus, transférer les plus-values vers le développement industriel, stabiliser la population rurale et freiner l'émigration aussi bien interne qu'internationale un enjeu stratégique pour le développement et l'aménagement du territoire : combler le fossé de la répartition des revenus entre l'est et l'ouest du pays, augmenter la productivité agricole et offrir de nouvelles possibilités d'emploi, stabiliser les migrations internes en augmentant l'attractivité des villes et métropoles régionales, et intégrer la population locale dans la société nationale. Une série de travaux connexes comprenant la construction de réseaux de transport routiers, ferroviaires, aériens, etc., et le développement du gisement touristique, très riche mais encore très peu valorisé, sont donc prévus. On le voit, le projet GAP est bien un enjeu majeur pour la Turquie : en contrôlant 28% de son potentiel en eau, elle pourrait devenir autosuffisante en 2010, tant sur le plan alimentaire qu'énergétique, et pourrait de ce fait amorcer un mouvement de décollage économique. [...]
[...] Ces deux pays cherchent donc à obtenir la reconnaissance totale du statut de fleuve international pour l'Euphrate, et une révision de l'accord de 1987 qui ne correspond plus à leurs besoins. Or la Turquie s'est bien gardée de signer la convention des Nations Unies de 1997 sur l'utilisation des fleuves internationaux, privant ainsi l'Irak et la Syrie de recours devant les juridictions internationales. Elle estime que le Tigre et l'Euphrate sont seulement transfrontaliers, ce qui lui permet de gérer les ressources sans tenir compte des considérations des pays en aval. [...]
[...] La construction des barrages et surtout le remplissage des lacs de retenue (celui d'Atatürk en particulier) ont réduit voire coupé l'alimentation en eau de l'Euphrate et suscité des désaccords marqués avec les pays en aval, aggravé par le fait que par le GAP, la Turquie démontre sa capacité à contrôler l'Euphrate et le Tigre en amont, et ainsi accentue la dépendance de l'Irak et de la Syrie à l'égard du château d'eau turc. Aucun traité tripartite n'a pu être signé sur le partage des eaux entre les États riverains. Malgré cela, la Turquie s'est engagée à fournir 500 m3/s à la Syrie dans un accord bilatéral en 1987. Outre cet accord turco-syrien, les deux pays arabes ont adopté un plan de répartition proportionnelle des eaux de l'Euphrate à raison de 42% pour la Syrie et 58% pour l'Irak. [...]
[...] Dans cette perspective, on ne peut que saluer l'effort de la Turquie à aménager son territoire de manière plus équitable et dans un souci d'anticiper ses besoins en eau, et qu'espérer que la nouvelle denrée rare qu'est devenue l'eau pour la région ne sera pas objet de dispute, mais au contraire source de coopération entre les gouvernements. Bibliographie - Jean-Christophe VICTOR, Le dessous des cartes : Atlas Géopolitique, Ed. Tallandier/ARTE Editions - Stéphane de TAPIA, Le projet GAP en Turquie : Aménagement du territoire, politique intérieure et géopolitique, CNRS - Tony ALLAN, The middle East water question : hydropolitics and the global economy, IB Tauris Publishers - Habib AYEB, L'eau au Proche Orient : la guerre n'aura pas lieu, Ed. [...]
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