La société en Europe et aux Etats-Unis, c'est-à-dire dans les pays qui s'industrialisent à partir de la fin du XVIIIè siècle, s'accroît considérablement pendant tout le XIXè siècle. Démographiquement tout d'abord : à l'exception de la France, les taux de croissance de la population deviennent sans précédent dans quasiment tous les pays. Grâce notamment au développement de la médecine, la Russie double ainsi le nombre de ses habitants entre 1800 et 1900. Les villes s'agrandissent, la production augmente, l'industrialisation ne fait que s'accentuer. Petit à petit, l'idée que les conceptions étatiques du XVIIIè siècle menées entre autres par Adam Smith ne sont plus suffisantes fait son chemin. On ne se satisfait plus d'un Etat adepte du laisser-faire, ce qui l'oblige à élargir ses domaines de compétences. La désintégration sociale que certains sociologues pressentent dès la fin du XIXè siècle (Emile Durkheim, Max Weber…), et qui serait la résultante de l'apparition des nouveaux modes de production ou de la nouvelle figure du travailleur industriel, fait peur et on exige dès lors que l'Etat y réponde. L'intégration politique des masses devient une nécessité après la phase de libéralisation qui s'est enclenchée avec la Révolution française. On date généralement l'apparition de la société de masse vers les années 1850-1860 au sens où justement les masses, c'est-à-dire le peuple pris dans sa majorité et non pas seulement les élites, commencent leur processus d'intégration politique. Celle-ci peut se définir comme la manière dont les masses s'incorporent de façon active dans la communauté politique définie par l'Etat, c'est-à-dire qu'être intégré politiquement implique le sentiment d'appartenance à cette communauté. En 1914 en France lorsque l'ordre de mobilisation est lancé, l'union des Français est réelle ; c'est la France, avec les dérives nationalistes que cela a comporté, qui se sent attaquée par l'ennemi, et tous éprouvent le devoir d'y répondre avec fermeté. De façon plus générale, l'ensemble des pays européens industrialisés et les Etats-Unis peuvent se targuer à la veille de la première guerre mondiale d'avoir réussi à intégrer et à unifier politiquement leurs populations dans leur globalité. Dès lors comment procède-t-on à l'intégration politique des masses en Europe et aux Etats-Unis dans la deuxième moitié du XIXè siècle ? Quelles politiques mettent en place les Etats sous la pression populaire qui réclame d'aller plus loin que le processus de libéralisation du premier XIXè siècle ? Dans quelle mesure cette recherche d'une intégration impulsée « par le haut » trouve un écho dans des tentatives d'intégration « par le bas », celles-ci étant parfois en porte-à-faux, parfois au service de la première ? A la phase de libéralisation succéda dans la deuxième moitié du XIXè siècle la phase de démocratisation qui est une marque évidente d'intégration politique des masses (I). Cependant en raison de ses limites, les Etats mirent surtout en place une politique d'intégration passant par la diffusion d'un idéal national, autrement dit le développement du national-civisme (II).
[...] L'intégration politique des masses devient une nécessité après la phase de libéralisation qui s'est enclenchée avec la Révolution française. On date généralement l'apparition de la société de masse vers les années 1850-1860 au sens où justement les masses, c'est-à-dire le peuple pris dans sa majorité et non pas seulement les élites, commencent leur processus d'intégration politique. Celle-ci peut se définir comme la manière dont les masses s'incorporent de façon active dans la communauté politique définie par l'Etat, c'est-à-dire qu'être intégré politiquement implique le sentiment d'appartenance à cette communauté. [...]
[...] La sociabilité des masses se fait aussi à certains moments : ce sont principalement les fêtes, républicaines pour la France, mais qui existent sous les mêmes formes dans les pays étrangers. L'assemblée accéda à la communauté politique en s'amusant écrit Jean-Pierre Rioux, soulignant par là l'élément fondamental que constituent ces fêtes dans l'intégration des masses. Tout est prétexte à fêtes, le 4 juillet pour les Américains, le 14 juillet en France comme les Expositions Universelles en passant par les diverses fêtes foraines et autres défilés ; le bal populaire donne aux participants l'impression de mixité sociale et d'unification politique à l'échelle de la Nation. [...]
[...] L'intégration politique des masses se fait alors bien par la démocratisation des régimes. Il est à noter que suffrage universel n'est pas forcément associé à démocratie ; certains historiens comme François Furet ont montré cependant que des régimes non démocratiques comme le Second Empire ont amorcé un début d'intégration politique des masses grâce au suffrage universel. Les paysans qui allaient voter sous Napoléon III n'avaient certes pas le choix du candidat, mais ont fait par là l'apprentissage du vote qui a permis ensuite à la IIIe République de s'enraciner. [...]
[...] Alors que la famille avait refusé l'enterrement religieux, l'ensemble des dirigeants de la IIIe en profita pour faire de l'occasion un moyen de célébrer la République et l'intégration politique des masses présentes dans le cortège. Mais 29 ans plus tard, si au début de la Première Guerre mondiale les peuples européens répondent à la mobilisation de leurs pays, puis plus tard les Etats-Unis qui poussent leur Président Wilson à l'entrée en guerre, les Etats ne sont en réalités que très partiellement démocratiques. [...]
[...] La première application de ce national-civisme est l'une des priorités majeures de tous les pays européens industrialisés et des Etats-Unis : l'éducation des masses. Pour les gouvernants de l'époque, si les masses deviennent éduquées, leur vote sera moins soumis aux manipulations démagogiques, dans la lignée des théories de Condorcet. Dans les années 1875-1885 il s'agit pour les dirigeants de la jeune République française d'éviter que des erreurs ne se reproduisent comme en 1851 et même comme en 1871, quand le verdict des urnes avait donné une Chambre monarchique. [...]
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