Avec la création de l'ENA, l'élitisme républicain procède désormais à la sélection de ces élites. Mais ce modèle méritocratique de formation des élites administratives a aboutit à la constitution en France d'un mode unique de production de l'ensemble de la classe dirigeante, administrative, politique et économique.
Cela a pour effet de rendre très aisée la circulation des élites selon un parcours bien balisé de passage au sein de l'administration puis de cabinets ministériels avant la prise de fonctions au sein d'une grande entreprise française. Un nombre croissant de hauts fonctionnaires passe ainsi du service de l'Etat aux entreprises, notamment privées. Il est donc essentiel de s'interroger sur les effets de cette privatisation des grands corps sur l'esprit de service public, notamment du fait des valeurs et des poursuites d'intérêts privés que ce phénomène tend à promouvoir, et sur les conséquences des stratégies de carrière adoptées par ces élites sur les écoles destinées à les sélectionner et les former.
L'hypothèse formulée ici est que ce n'est pas tant ces stratégies de carrière qui mettent en danger l'esprit de service public, que le mode de recrutement de ces élites et de production de l'autorité légitime. En faisant de l'ENA et de Polytechnique les viviers quasi-exclusifs de sélection de l'ensemble des élites, qu'elles soient administratives, politiques ou économiques, celui-ci ne fait plus du goût du service de l'Etat la motivation essentielle pour entrer dans ses écoles, l'objectif essentiel de leurs étudiants n'étant plus de faire leur carrière au sein de l'administration mais au sein des entreprises. Il s'agit donc également de s'interroger sur les moyens de faire évoluer le mode de sélection des élites françaises, et sur l'opportunité que cette crise des vocations du service de l'Etat donne de réformer l'administration.
[...] Une approche générationnelle Les élites de la République sur la sellette, Esprit, 236, 1er octobre 1997, p. 144-157, p Michel Bauer, Philippe Brachet, Grands corps de l'Etat et démocratie Dossiers de l'AITEC, AITEC. M. Bauer, B. Bertin-Mourot, L'ENA est-elle une business shool ? Etudes sociologiques sur les énarques devenus cadres d'entreprise de 1960 à 1990, Paris, L'Harmattan p D'après une enquête du Groupe des Association de la haute fonction publique (Le Monde novembre 2000), citée dans Alain Garrigou, Les élites contre la République, Sciences Politique et l'ENA, Paris, La Découverte M. [...]
[...] Sous l'effet des stratégies d'orientation des étudiants, l'école a ainsi diversifié ses formations. Tandis que la section reine service public chargée de la préparation aux concours administratifs, perdait des étudiants, d'autre sections ont créés et ont u leurs effectifs augmenter : la section économique et financière mais surtout la section de communication et ressources humaines et la section internationale Mais cette évolution va surtout de pair avec une évolution idéologique. Sciences Po renoue avec la tradition libérale de ses origines. [...]
[...] Certes le mouvement de privatisation d'entreprises publique a amplifié le phénomène, cependant 42% des énarques ont pantouflé dans une entreprise ayant toujours appartenu au secteur privé, chiffre d'autant plus considérable que le secteur public ou nationalisé puis privatisé représente une part importante des grandes entreprises françaises[4]. Le diplôme de l'ENA et une expérience professionnelle exclusivement administrative constituent donc un laissez-passer pour obtenir de hautes responsabilités dans le secteur privé. Quelles sont les conséquences sur les deux grandes écoles dont la vocation est de former l'élite de la haute administration ? [...]
[...] Le passage en cabinet ministériel puis le départ vers les entreprises privées apparaît donc comme la seule opportunité de poursuivre une carrière brillante. Le phénomène est d'autant plus important que la haute administration, comme l'ensemble de la société, connaît une accélération des carrières qui conduit à devoir accéder à de hauts postes de plus en plus tôt, souvent dès trente-cinq quarante ans, sous peine d'avoir perdu la course à la réussite[15]. Les carrières dans le privé paraissent donc d'autant plus attractives qu'elles proposent des postes valorisants, une rémunération attractive, mais pour un petit nombre d'élus, majoritairement recrutés au sein de la botte de l'ENA et Polytechnique. [...]
[...] Lucile Schmid, Des changements sont possibles. Une approche générationnelle Les élites de la République sur la sellette, Esprit, 236, 1er octobre 1997, p. 144-157, p Ibid. Lucile Schmid, Des changements sont possibles. Une approche générationnelle Les élites de la République sur la sellette, Esprit, 236, 1er octobre 1997, p. 144-157. Michel Bauer, Bénédicte Bertin-Mourot, La triple exception française. [...]
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