La sécurité juridique est une notion vague et polymorphe. Elle s'étend à l'ensemble du Droit. Pourtant, sa définition n'est pas aisée. En effet, même si la sécurité juridique est généralement considérée comme faisant partie des principes élémentaires qui régissent le droit, elle est absente des textes fondamentaux et notamment du bloc de constitutionnalité.
L'essence du principe de sécurité juridique est « une garantie ou une protection tendant à exclure du champ juridique le risque d'incertitude ou de changement brutal dans l'application du droit », pour reprendre la formule de M. Kdhir*. La notion combine des exigences matérielles, de clarté et d'intelligibilité de la loi, et les exigences temporelles d'une relative stabilité de l'environnement juridique et prévisibilité du droit. Le volet objectif de la sécurité juridique exige donc la lisibilité, l'intelligibilité et la prévisibilité de la règle de droit.
Le volet subjectif de la sécurité juridique (pour reprendre la distinction de Paul Cassia) désigne le principe de confiance légitime, qui postule qu'en cas de disparition brutale d'une « base de confiance juridique » sur laquelle les administrés ont fondé leurs décisions, ces derniers ont droit à la protection des situations légitimement acquises. Ce principe n'est pas reconnu explicitement en Droit français.
[...] Auparavant, le conseil d'Etat tenait compte du principe de sécurité juridique, ou du moins en faisait une application implicite. Mais en dehors du Droit communautaire, le Conseil d'Etat s'était toujours refusé à reconnaître la sécurité juridique comme moyen invocable. Il a ainsi cassé une décision du tribunal administratif de Strasbourg qui se fondait sur un principe de confiance légitime [des particuliers] dans la clarté et la prévisibilité des règles juridiques et de l'action administrative décembre 1994, entreprise de transport Freymuth). [...]
[...] La Cour de Luxembourg utilise la sécurité juridique comme la dénominateur commun de beaucoup d'autres principes (Antoine Cristau, cf. Bibliographie). La CJCE fait mention du principe de sécurité juridique pour la première fois en 1961. Sa jurisprudence fait apparaître 3 utilisations majeures de la notion objective de sécurité juridique. Nous aborderons ensuite la notion subjective de sécurité juridique, que la cour s'est aussi attachée à défendre. La législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables déclare la CJCE dans sa décision du 15 décembre 1987 Irlande Commission. [...]
[...] Conclusion Il est désormais indéniable que le principe de sécurité juridique est actif en Droit français. Il ne relève plus seulement du Droit communautaire, grâce à l'importante décision Sté KPMG du conseil d'Etat. Suite à la décision de l'assemblée du contentieux, le principe de sécurité juridique est en cours de reconnaissance formelle en Droit interne, alors même que sa substance est déjà largement effective par d'autres biais. Deux incertitudes persistent pourtant pour l'avenir : l'impact du principe sur l'épineuse question de la rétroactivité des revirements de jurisprudence, et son éventuelle consécration par le conseil constitutionnel. [...]
[...] Le principe de sécurité juridique permet à la cour de préserver l'unité de l'ordre juridique communautaire, comme il a été dit. Les règles communautaires, directives (transposables) et règlements (d'application directe) ont en effet vocation à être intégrées dans des systèmes juridiques nationaux qui gardent leur autonomie propre. Ces règles risquent d'être appliquées différemment selon la culture juridique propre de chaque Etat membre, ou même à cause de malentendus sémantiques liées aux différentes langues. Il faut rappeler que coexistent au sein de l'Union des systèmes de Civil Law et de Common Law. [...]
[...] C'est une garantie importante de la sécurité juridique, qui vient nuancer la portée des revirements de jurisprudence. Ainsi, un notaire était attaqué en responsabilité pour avoir rédigé un acte invalide du fait d'un revirement de jurisprudence postérieur à la rédaction de l'acte ; la Cour a jugé que les éventuels manquements d'un notaire à ses obligations professionnelles ne peuvent s'apprécier qu'au regard du droit positif existant à l'époque de son intervention, sans que l'on puisse imputer à faute de n'avoir pas prévu une évolution ultérieure du droit (1ère chambre civile Novembre 1997). [...]
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