Politique, écrivain, Pierre-Simon, Ballanche, Essai, institutions, sociales
Sartre disait que « la littérature n'est pas un chant innocent et facile qui s'accommoderait de tous les régimes », mais qu'« elle pose d'elle-même la question politique ». A contrario de cette conception de l'auteur engagé, Pierre-Simon Ballanche écrit, en 1818, dans son Essai sur les institutions sociales, le propos suivant : « Je ne prétends m'ériger ni en censeur des gouvernements ni en précepteur des peuples ; ma tâche est, en quelque sorte, celle d'un historien sans affection et sans haine… » Pierre-Simon Ballanche soulève ici la question du rapport qu'entretient l'écrivain avec le monde public qui l'entoure.
[...] Il nous est apparu dans un premier moment que l'écrivain, simple artisan de la langue et homme parmi tant d'autres, n'honorait sa profession qu'en décrivant sa société sans, dans ses écrits, y prendre part. Néanmoins, sa condition de citoyen et le savoir culturel qu'il maintient vivant font de lui, presque par défaut, un meneur et un porte-parole, au sein de la cité, pour les antiques voix muettes et les voix négligées du présent. Finalement, pour résoudre cette tension persistante entre mondanité et objectivité, il convient de séparer deux entités cohabitantes : l'auteur qui combat pour son temps, et l'écrivain qui enseigne pour l'avenir. [...]
[...] Tous ceux que la cité ne permet pas de s'exprimer trouvent un espace d'expression dans l'œuvre de l'écrivain. Ainsi, même les vaincus de la République usurpée trouvent un endroit où exister en l'œuvre de Flaubert. En effet dans L'Education sentimentale, qui applique déjà ce principe que Zola formulera plus tard selon lequel tout homme qui passe est un héros suffisant la parole est offerte aux victimes et aux petites gens. Dussardier est victime lorsque, s'élançant pour sauver un enfant, lors des journées de Juin, sous les canons des fusils ennemis, il est tué de sang-froid par Sénécal. [...]
[...] Par conséquent, l'écrivain n'est, et ne peut être, un précepteur pour des peuples entiers. Conséquence de ce refus de l'idéologie et de l'affirmation de la portée limitée de la parole de l'écrivain, celui-ci n'a plus guère qu'une fonction culturelle de secrétaire des évolutions politiques et des mœurs des peuples : l'écrivain décrit la société, sans prendre parti pour quiconque. Ainsi de la chroniste avisée de La Princesse de Clèves. N'affichant aucune appartenance, aucun parti, elle se contente de constater que la magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. [...]
[...] Il est en effet mal vu, à cette époque, qu'une femme du rang de Madame de Lafayette écrive. C'est pour conserver les jugements plus libres que l'auteur se sépare de l'écrivain, qui prend soin de rester inconnu. Trop social, l'écrivain prend soin de n'éloigner du monde que son œuvre et l'auteur, tandis que lui reste. Ce faisant, l'écrivain, en détachant du mieux possible l'œuvre littéraire de son écrivain social, réserve le sens profond de sa parole pour le jour où elle sera véritablement instructive. [...]
[...] Le roman laisse aussi la parole aux petits ouvrages, tels la pipe de Dussardier, une belle pipe en écume de mer, avec un tuyau en bois noir, un couvercle d'argent et un bout d'ambre. L'écrivain s'attarde ici sur ceux que l'on néglige, sur les détails dirions-nous, mais qui, assemblés, forment une société. La tâche de l'écrivain est bien ici de laisser la parole à qui la mérite. Contrairement à ce que dit Pierre-Simon Ballanche, l'écrivain refuse l'écrit vain pour l'écriture vivante et engagée. [...]
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