Le débat concernant l'évolution des institutions françaises a largement marqué la campagne présidentielle de 2007. Les propositions se sont succédé, et ont notamment envisagé d'évoluer vers une VIe République plus parlementariste. Cette organisation placerait clairement le Premier ministre à la tête de l'exécutif. Ce débat est significatif d'une certaine ambiguïté planant au-dessus de la fonction de chef du Gouvernement, résumée par cette anecdote d'Olivier Duhamel : « Au soir des élections législatives de juin 1968, recevant les Pompidou à dîner […], De Gaulle aurait accueilli Mme Pompidou en lui disant : « Alors, madame, il paraît que votre mari et moi avons gagné les élections… » C'était un vainqueur de trop. Le Président changea de Premier ministre ».
Il semblerait que différentes façons d'envisager le rôle du Premier ministre se soient succédé tout au long de la Ve République. Les Premiers ministres de Charles de Gaulle ont tenu un rôle de « relais » de la politique décidée à l'Elysée, mais les périodes de cohabitation ont vu émerger un Premier ministre bien plus impliqué et doté d'un pouvoir décisionnel et d'une autonomie nettement supérieurs. Il serait excessif, bien entendu, de parler d'un Premier ministre absent en période de concordance des majorités. En effet, les articles 20 et 21 de la Constitution de 1958, qui stipulent respectivement que « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » et que « Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement », mettent en lumière le rôle déterminant de cette fonction.
Généralement, les constitutionnalistes considèrent que l'affirmation du pouvoir présidentiel, aux dépens de ceux du Premier ministre, eut lieu en 1962, lorsque l'élection au suffrage universel direct du chef de l'Etat fut mise en place. Ce choix changea l'orientation de la République et le régime, caractérisé par un Gouvernement responsable devant l'Assemblée et un Président élu au suffrage universel, fut qualifié de « semi-présidentiel » par Maurice Duverger.
Ainsi, le Premier ministre dispose-t-il des rênes du pouvoir, peut-il être considéré comme un leader politique ou au contraire n'est-il pas subordonné à l'action du chef de l'Etat ? Cette réflexion sur la fonction de Premier ministre est plus globalement une tentative de compréhension de la notion de Maurice Duverger. De fait, il semble indiscutable que la fonction de Premier ministre cristallise à elle seule le caractère ambigu et paradoxal d'un système politique qui selon les interprétations et les circonstances s'inscrit soit dans une perspective parlementariste soit dans une optique présidentialiste.
Dès lors fortement marquée par l'histoire constitutionnelle française, la Ve République fait du Premier ministre une clé de voûte des institutions par l'influence de l'histoire républicaine et par son rôle de chef de l'Administration et de la majorité parlementaire. Si l'analyse de la fonction de Premier ministre dans des circonstances variables met en lumière l'ambiguïté de sa position et de sa fonction, de nombreux constitutionnalistes et autres hommes politiques voient dans le dépassement de ces limites un moyen de réformer le régime semi-présidentiel.
[...] Il reste qu'au-delà des deux grands traits qui caractérisent sa fonction chef de gouvernement et chef de la majorité parlementaire, son rôle et ses pouvoirs réels demeurent contingents, et dépendent étroitement des circonstances politiques, et, plus précisément, de la concordance ou non entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. II. Le Premier ministre, un pouvoir lié aux circonstances politiques, un rôle à clarifier Les pouvoirs exacts du Premier Ministre dépendent cependant des circonstances politiques, ce qui pose la question de la clarification de son rôle et de l'avenir de la fonction. Comme l'écrit Pierre Avril : S'il existe il inquiète, s'il n'existe pas il manque A. Les pouvoirs du Premier ministre liés étroitement aux circonstances politiques Le Premier ministre détient donc des compétences et des pouvoirs propres. [...]
[...] La position actuelle du Premier ministre découle également d'une évolution de la Ve République. En effet, ses principaux rédacteurs voyaient son fonctionnement relever d'avantage du régime parlementariste. Ainsi le Premier ministre est doté de pouvoirs et remplit une fonction qui rappelle celle du Président du Conseil des IIIe et IVe Républiques. Mais l'instauration de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct en 1962 par référendum permet au chef de l'Etat de passer d'un rôle d'arbitre à celui de véritable dirigeant de l'exécutif. [...]
[...] Le Premier ministre est aussi chef de l'Administration. La première manifestation de cette compétence est son pouvoir de nomination : il nomme aux emplois publics par délégation du Président de la République. De grands services administratifs, comme le Secrétariat Général du Gouvernement dépendent de lui. Leur rôle est important dans la gouvernance de l'Etat et la conduite du gouvernement de la Nation. Il dispose à Matignon de services importants. La direction générale de la fonction publique lui est rattachée (directement ou à travers un membre du gouvernement délégué auprès de lui). [...]
[...] C'est le Premier ministre en personne qui a du défendre sa politique. Un temps mis en difficulté par des démissions dans son propre camp (démission de Robin Cook), il parvint à enlever une majorité lors du vote final. Ainsi cet exemple illustre le fonctionnement d'un régime où le Premier ministre est un personnage central. En Angleterre comme en Allemagne, le primoministérialisme a ainsi l'avantage d'éviter le césarisme que nous connaissons en France. La démocratie parlementaire primoministérielle pose en effet le filtre de l'élection indirecte. [...]
[...] Il est, l'expérience le montre, l'ancien dirigeant d'un parti important et d'une des deux grandes coalitions. Notons que cette remarque ne vaudra plus si Ségolène Royal est élue le 6 mai 2007. Il a été, de plus, élu au Suffrage universel direct. Son retour au premier plan n'est donc pas impossible. La politique du Premier ministre ne peut se mettre en place en l'évinçant totalement B. La clarification nécessaire du rôle du Premier ministre 1. Les leçons des exemples étrangers. Si l'on se réfère aux exemples des démocraties occidentales, deux modèles peuvent être distingués. [...]
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