L'utilisation du concept de 'coercition' semble prêter à de nombreuses confusions. Tour à tour contrainte, répression ou force brutale, la coercition échappe à une acception immédiate. Le seul point sur lequel tout le monde tombe d'accord est qu'elle a un rapport intime avec le pouvoir, et plus particulièrement le pouvoir politique
[...] Pouvoir et coercition Introduction L'utilisation du concept de "coercition" semble prêter à de nombreuses confusions. Tour à tour contrainte, répression ou force brutale, la coercition échappe à une acception immédiate. Le seul point sur lequel tout le monde tombe d'accord est qu'elle a un rapport intime avec le pouvoir, et plus particulièrement le pouvoir politique. De manière très générique, le pouvoir et la coercition peuvent être définis de manière suivante : le pouvoir est la capacité d'obtenir quelque chose d'une personne qui n'aurait pas accepté sans ce pouvoir ; alors que la coercition, à travers des instruments de coercition comme la police ou l'armée, est la capacité à obliger quelqu'un à agir d'une certaine manière, malgré sa volonté ou son désir. [...]
[...] FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison : "Certes, ma punition n'est plus le supplice du pilori ou les travaux forcés, mais elle n'en est pas moins coercitive : le prisonnier doit respecter des horaires, est astreint à un régime d'exercices obligatoires " 2. Toute société implique une contrainte du pouvoir Dans les sociétés dites "non-coercitives", le pouvoir soumet les individus à un certain nombre de pratiques violentes (rite d'initiation, sacrifice). Mais on oublie souvent la caractère fortement coercitif de la pression sociale qui entoure ces pratiques. [...]
[...] Pour autant, il ne faut pas croire que cette coercition soit intrinsèquement mauvaise. Elle est l'apanage des régimes démocratiques. Dans un système totalitaire, la coercition est remplacée par l'abus de pouvoir, l'arbitraire et la terreur. La différence essentielle entre la démocratie et le régime totalitaire est soulignée par Hannah Arendt : "le pouvoir totalitaire [ ] fait alors de la police secrète l'exécutrice et la garante de ses tentatives à l'intérieur pour transformer continuellement la réalité en fiction". Le pouvoir totalitaire réside dans la police "secrète", donc illégitime, ce qui n'est pas le cas en démocratie où la résistance à la coercition est toujours possible. [...]
[...] Les fonctions "non-coercitives" du pouvoir le sont malgré elles A. GRAMSCI distingue la domination, qui est la partie coercitive du pouvoir politique, de l'hégémonie, qui en est la partie persuasive. Or, selon lui, la domination ne peut précéder l'hégémonie. On peut mêle aller plus loin en montrant que "l'appareil idéologique de l'Etat", basé sur l'idéologie dominante véhiculée par les médias, l'institution scolaire, la magistrature, la bureaucratie , opère une coercition masquée qui rend possible la coercition ouverte, affichée. L. ALTHUSSER, "Idéologies et appareils idéologiques d'Etat", La Pensée Tout pouvoir politique se base sur des rapports de domination, donc toute contrainte ou coercition est acceptée par les individus soit parce qu'elle leur apparaît comme légitime, soit parce qu'ils n'en perçoivent précisément pas le caractère coercitif : c'est l'intériorisation de la "violence symbolique" dénoncée par P. [...]
[...] On peut aller plus loin : n'est-ce pas finalement la société elle-même, dans ses rapports de pouvoir, qui est teintée de coercition ? La coercition est d'autant plus dangereuse qu'elle est masquée ou intériorisée, comme le dit Pierre Bourdieu. Pour échapper à ce danger, seule une vigilance incessante des restrictions de nos libertés fondamentales par le pouvoir pourrait assurer une relative modération politique. C'est pourquoi la coercition dans les démocraties libérales est une question aussi cruciale et délicate. I. La coercition est la forme essentielle et légitime du pouvoir politique 1. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture