Parvenu au terme de ses deux mandats présidentiels, Vladimir Poutine ne peut, conformément à la constitution russe, se présenter une troisième fois. Décidé à préserver son pouvoir, il introduit lui-même son successeur à la présidence, puis se fait nommer premier ministre peu après les élections. Elu conformément aux attentes de son prédécesseur en février 2008, Dimitri Medvedev, offre l'image du dauphin parfait, dans la continuité totale de Vladimir Poutine.
Pourtant, malgré la volonté affichée d'éviter tout remous, dû à une alternance au pouvoir, le retrait relatif de Vladimir Poutine introduit de très nombreuses incertitudes. Celles-ci concernent la configuration du pouvoir étatique, mais également les rapports futurs entre l'Etat, la société et les élites. Peut-on envisager dans cette reconfiguration des ouvertures pour une nouvelle transition démocratique ?
Le passage d'une configuration centrale du pouvoir à bicéphale ouvre une phase d'instabilité potentiellement source à la fois de conflits et d'ouvertures. Ces élections ont paradoxalement suscité conjointement des espoirs et des inquiétudes car la perspective est double. Elle contient à la fois l'éventualité d'un durcissement ou d'une modération de la démocratie dirigée russe. L'attitude de Vladimir Poutine est tout aussi ambivalente : à la fois respectueux des lois procédurales il bafoue pourtant ouvertement les principes démocratiques en propulsant Dimitri Medvedev au pouvoir. Il souhaite par ce stratagème poursuivre l'exercice du pouvoir, dans la perspective certaine des élections présidentielles de 2012. L'introduction d'un possible rival à ses côtés risque néanmoins de transformer la continuité en rupture au cas où Medvedev imposerait son autorité. Pourtant, ce n'est pas tant la question de l'issue du duel qui se pose que celle de la reconfiguration des rapports entre l'Etat et la société. Si la société civile n'a aucune prise sur une situation à laquelle elle se conforme mais ne consent pas, les élites russes, et économiques plus particulièrement, sont susceptibles d'élargir les enjeux du duel. C'est la raison pour laquelle nous aborderons ce face-à-face tout d'abord à l'angle de la stratégie spécifique de Vladimir Poutine dans la société russe, pour ensuite privilégier une approche transversale des relations de pouvoir, qui dépassent indéniablement les frontières de la seule sphère étatique.
[...] Dans cette éventualité, Medvedev n'est qu'un instrument transitoire pour que Poutine conserve à terme le pouvoir central. La seconde hypothèse, celle d'un pouvoir bicéphal équilibré, est la moins probable. Nous pouvons notamment analyser à titre d'exemple que les deux dirigeants ne sont pas issus des mêmes milieux. Par conséquent, les intérêts qu'ils défendent divergent. Alors que Poutine est très proche des services secrets qu'il a lui-même précédemment présidés, Medevedev y est absent. Il est quant à lui plus proche des milieux économiques et libéraux : fondateur de l'entreprise Fincell puis de Ilim Pulp Entreprise, l'un des géants forestiers russes, il détiendra notamment par la suite le poste de président du conseil d'administration de Gazprom dès novembre 2005. [...]
[...] Nemtsov[35]; et cette contrepartie pourrait bien prendre la forme d'un soutien à Medvedev afin de modifier substantiellement la configuration du pouvoir étatique. Nuançons néanmoins cette vision d'un pouvoir économique allié au pouvoir politique. Ces liens représentent également une opportunité pour les oligarques d'influencer le pouvoir. Nous noterons qu'ici encore, la tendance entre les deux hommes sera moins déterminée par leur personnalité respective et leur aptitude personnelle à prendre le dessus que par des facteurs extérieurs. La nomination puis l'accession de Medvedev, dauphin de Vladimir Poutine, à la présidence à susciter une vague d'incertitude et d'instabilité grandissante concernant la nouvelle configuration des pouvoirs. [...]
[...] La décision spontanée de Vladimir Poutine de se conformer à la législation est une première. Le dirigeant et ses prédécesseurs sont en effet plus connus pour leur autoritarisme que pour leur intégrité. L'attitude contraste pourtant considérablement avec l'organisation de la succession poutinienne. Les médias donnent une consonance actuelle et un air de nouveauté à une situation pourtant bien ancienne. Loin d'être apparu au cours de l'ère Poutine, la pratique du vote administré est issue de l'ère de son prédécesseur, Eltsine. [...]
[...] Ibid Russie, le régime de Poutine: une démocratie dirigée David Mandel, Université de Bretagne occidentale, UFR droit, économie, gestion Institutions politiques comparées, 2005-2006, Cours de J-J Urvoas. Pour qui vas-tu voter à l'élection de Medvedev ? Emmanuel Grynszpan, La Tribune, édition du 28 février 2008. Ibid www.levada.ru/prezident.html Russie 2006. Entre dérive politique et succès économique. Françoise Daucé; Gilles Walter- Le Courrier des pays de l'Est 2007/1 n°1059, pages 6 à 29. Pour qui vas-tu voter à l'élection de Medvedev? Emmanuel Grynszpan, La Tribune, édition du 28 février 2008. [...]
[...] Trois scénarios se confrontent tout de même pour penser ce tandem selon l'expression de Thomas Gomart trois scénarios pour un tandem Le premier scénario est celui d'une instrumentalisation de Medvedev par Poutine, ce qui accrédite l'hypothèse d'une continuité totale entre les deux dirigeants. La seconde éventualité est celle d'une Russie à deux têtes supposant une répartition des rôles et un exercice du pouvoir équilibrés entre les deux dirigeants. La dernière hypothèse est celle du conflit : de la même manière que Poutine s'était démarqué de Eltsine, Dimitri Medvedev chercherait à écarter un actuel Premier ministre trop présent. Examinons la première hypothèse. La Constitution interdisait à Poutine de briguer un troisième mandat consécutif, impliquant qu'il lui sera possible de représenter plus tard. [...]
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