En quête permanente de contenu, la « modernisation administrative » vient aujourd'hui s'identifier à l'accroissement de l'efficacité et de la capacité d'adaptation de l'administration, ainsi qu'à l'allégement et la simplification des procédures. Derrière tout cela se profile la mise en cause des modes traditionnels de gestion fondés sur les principes de la centralisation et de l'uniformité.
La politique du personnel, un des leviers principaux de la modernisation administrative, n'échappe pas à cette remise en question. L'analyse systématique des initiatives prises par les différents pays en matière de gestion du personnel montre, en effet, que les axes principaux des politiques de modernisation marquent l'abandon des systèmes centralisés, uniformes et réglementés. Celles-ci sont, à l'inverse, guidées par le souci de la souplesse, de l'accroissement de l'autonomie des agences administratives et de la diversification. L'adaptation des politiques du personnel aux besoins et aux tâches des unités administratives individuelles implique la délégation des compétences des organismes centraux chargés de l'administration du personnel aux différents ministères. Il en va ainsi notamment des procédures de recrutement et de sélection.
Cet article se propose de confronter le sens de la modernisation ainsi entendue aux données de la fonction publique hellénique. Les politiques de recrutement et des effectifs semblent à cet égard offrir un terrain approprié, étant donné les particularités du contexte socio-politique grec.
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Le contrôle direct de l'État a toujours été en Grèce un facteur déterminant pour la constitution et la reproduction des groupes sociaux dominants. Corrélativement, une dimension importante de l'État est que celui-ci agit comme un mécanisme de distribution immédiate de bénéfices à la clientèle électorale des partis au pouvoir : l'emploi public en constitue un des moyens privilégiés. Cet État-employeur, hypertrophié, est donc le correspondant de la médiation politico clientéliste qui a caractérisé la vie politique du pays après l'indépendance. En droite ligne avec cet état des choses, les échéances électorales dominent la rationalité des hommes politiques de tous bords, qui s'empressent de satisfaire toutes sortes de demandes de leur clientèle et même prennent le devant en arrêtant des mesures susceptibles d'influencer le corps électoral en leur faveur (...)
[...] On pourrait y voir une indifférence quant aux capacités et à la vocation des candidats : le recrutement dans la fonction publique est officiellement conçu comme une politique sociale dont devraient bénéficier les moins favorisés, comme s'ils étaient les plus aptes à exercer le métier de fonctionnaire. La régularité annuelle, le caractère obligatoire des listes de classement des candidats éligibles par département (recrutés par ordre d'inscription) portées à la connaissance de tous (affichage), sont présentés comme des garanties supplémentaires de la crédibilité de ce système. [...]
[...] Malgré tout, les pratiques de recrutements sauvages, extra-légales sinon illégales, se sont reproduites. Leur intensité s'est développée à l'occasion des échéances électorales et notamment au cours des années 1989-90 qui ont été marquées par le recours aux urnes à trois reprises, à cause de l'impossibilité de former une majorité parlementaire. Le système se répète Une nouvelle loi 1943/1991) a révisé la procédure de sélection des candidats en revenant au concours sur épreuves écrites pour les trois catégories de personnel TE, DE). [...]
[...] Varvaressos (1952), ont alors signalé les conséquences désastreuses des pratiques clientélistes sur l'administration et la fonction publique helléniques. A travers les lignes de ces rapports, on découvre les remèdes essentiels proposés : concours, unification des règles et contrôle central des procédures, restriction de la marge d'autonomie de l'administration dans les recrutements par la mise en place de règles générales et obligatoires; enfin, responsabilité spéciale des fonctionnaires qui suivraient des pratiques contraires. II) LE CERCLE VICIEUX DES TENTATIVES DE RATIONALISATION Depuis 1951, la lutte contre les pratiques clientélistes sauvages et le désordre qui en découle a donné lieu à des réformes du système de recrutement dans la fonction publique. [...]
[...] Il faut aussi noter que le recrutement de contractuels reste la soupape de sûreté d'un système qui imposerait une discipline trop brutale à un milieu peu disposé à la supporter. Pour ceux-ci, le concours n'est toujours pas obligatoire; la possibilité de recruter des agents sur contrat de droit privé à durée déterminée est d'ailleurs prévue explicitement afin de faire face à des besoins imprévus et urgents. Ainsi, les tentatives de rationalisation après 1975 présentent deux caractéristiques importantes de notre point de vue. [...]
[...] Cela correspond en fait à la reconnaissance du système de recrutement comme enjeu politique de taille dans le contexte socio-politique hellénique. Vuniformisation des règles concernant le recrutement accompagne la centralisation des décisions, dans la mesure où l'essentiel est plus de mettre de l'ordre dans une situation de désordre que de reconnaître les spécificités des agences administratives que les nouveaux personnels auront à servir. La réglementation minutieuse, de plus en plus stricte, détaillée et embrassant progressivement l'ensemble du secteur public, vise également à prévenir toute faille éventuelle du système, qui pourrait servir à l'exploitation clientéliste. [...]
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