L'interprétation des chiffres sur l'évolution de la délinquance fait l'objet de nombreux débats notamment lorsque se déroule tous les ans, au mois de février, la conférence de presse gouvernementale rendant publics les « chiffres de la délinquance » de l'année écoulée. Mais, ne faire des statistiques officielles de la délinquance qu'un moment du débat médiatique ne protège pas et n'informe pas les citoyens sur l'action gouvernementale réellement menée et l'évolution de la délinquance. C'est pourquoi l'évaluation de la politique publique, outre le fait qu'elle ne doit pas être orientée par les intérêts de certains acteurs, doit être un outil de transparence et d'information pour la société dans son ensemble.
Ainsi, l'évaluation du travail des policiers et des gendarmes est-elle suffisante pour évaluer l'efficacité de la politique de lutte contre la délinquance ? Les statistiques officielles sont-elles des indicateurs et des matériaux pertinents pour évaluer la politique gouvernementale ? Quelles sont les difficultés auxquelles sera confronté l'évaluateur chargé de juger cette politique publique ?
Nous tenterons d'abord de montrer que la politique de lutte contre la délinquance fait partie des politiques publiques particulièrement soumises au débat médiatique et à l'évolution des tendances sociétales, puis nous essaierons de comprendre pourquoi les statistiques de la délinquance sont des indicateurs d'évaluation complexes et insuffisants...
[...] Comment faire alors pour que l'évaluation d'une politique de lutte contre la délinquance, se traduisant souvent par de nouvelles orientations du comportement policier, ne soit pas qu'une simple analyse d'indicateurs chiffrés ? P. Ferret et F. Ocqueteau (2003) ont notamment contribué à l'élaboration des travaux interministériels concernant la réforme de la police de proximité en 1998 en y intégrant trois concepts majeurs permettant l'évaluation de la performance de cette nouvelle réforme : le concept d'efficience, celui d'impact ou d'efficacité et de qualité des services. [...]
[...] Les statistiques de la délinquance : des indicateurs de l'évaluation complexes et insuffisants 1. Les paradoxes de la statistique sur la délinquance Tout d'abord, les chiffres dont nous disposons sur l'évolution de la délinquance sont ceux produits par le Ministère de l'Intérieur à partir des renseignements fournis par l'ensemble des services de police et de gendarmerie (cet outil statistique est appelé index 4001 De nombreuses controverses sur leur interprétation subsistent car il semblerait que ces chiffres mesurent davantage l'activité de la police et de la justice que l'évolution réelle de la délinquance. [...]
[...] Cependant, deux principaux problèmes et questionnements se dégagent pour l'évaluateur. Tout d'abord, la mise en place de la police de proximité peut être vécue comme une action préventive. Il sera dans ces conditions difficile de distinguer des indicateurs permettant de juger de son efficacité car la police ne saura pas réellement le nombre de délits ou de déviances qui a pu être évité. A contrario, la police de proximité peut accroître les tensions au sein du quartier concerné, envenimer les relations entre les jeunes et les agents représentant l'autorité, et du fait de sa forte mobilisation, elle sera plus enclin à recenser des actes considérés comme délinquants et dont l'appréciation restera largement subjective, liée à des critères de moralité et déterminée par la volonté politique de mettre en place un système de type tolérance zéro L'évaluateur ne sera pas à l'abri des conséquences de l'accentuation de la stigmatisation de quartiers à l'image déjà négativement connotée ou de certaines catégories de la population, produites par la réforme de la police de proximité[1], qui viendront biaiser ses résultats sur l'efficacité d'une telle politique. [...]
[...] Mais si nous constatons que le nombre de faits élucidés, de gardes à vue ainsi que le nombre de mises en cause augmentent, pouvons-nous en conclure que ce sont autant de cambriolages, de dégradations, de vols avec violence dont n'ont pas eu à pâtir les citoyens et conclure ainsi à une politique de lutte contre la délinquance efficace ? Dans Ce que fait la police. Sociologie de la force publique Monjardet s'est intéressé à l'exercice du métier de policier et révèle que le nombre d'enregistrement de plaintes est, pour les policiers, un élément important de l'évaluation de leur efficacité, et cela est d'autant plus vérifié que le contexte politique valorise et encourage leurs activités. [...]
[...] (1996), Ce que fait la police. Sociologie de la force politique, La Découverte. - OCQUETEAU F. (2003), Police et prévention : évaluation et analyse d'impact Criminologie, vol 36, n°1. - LE PETIT GUIDE DE L'EVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES (1996), La Documentation Française, Paris. - ROBERT P., AUBUSSON DE CAVARLAY B., POTTIER M-L., TOURNIER P. [...]
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