La politique est-elle une science, prédiction politique, théorie politique, Montesquieu, De l'esprit des lois, textes juridiques, action politique, démonstration scientifique, L'éthique à Nicomaque, Le savant et le politique, Aristote, Machiavel, Hannah Arendt
L'élection l'année dernière du président français Emmanuel Macron est apparue comme un contrepoint vis-à-vis des théories, qui annonçaient comme certaine la victoire du parti "Les Républicains", presque comme un aléa historique. Ces prédictions ne pouvaient cependant pas prendre en compte l'inattendu, qui semble pourtant être l'un des constituants de la politique. Ce bousculement a en effet montré les limites de la prédiction en politique. Or le propre de la science est de réaliser des démonstrations, d'établir un rapport de nécessité entre plusieurs faits. La science se donne ainsi une fin, souvent universelle, et se propose d'agencer des moyens, eux aussi universels, dans le sens où tous peuvent en disposer, afin d'accéder à cette fin. L'échec des prédictions de l'année passée est un premier élément empirique qui semble aller dans le sens d'une politique qui ne serait pas scientifique. Par la suite, nous ne tiendrons pas compte de la distinction entre "la" et "le" politique, théorisée notamment par Julien Freund. Nous considérerons ainsi que le terme "la politique" englobe à la fois les processus électoraux, la lutte pour accéder au pouvoir et la manière d'exercer ce pouvoir, à travers la mise en place de différentes mesures par exemple. Le terme de politique fera aussi référence à l'organisation de la cité, au sens des Anciens, et aux différentes manières de se maintenir au pouvoir.
[...] Il convient néanmoins de discuter la problématique en considérant un autre sens de « pouvoir », en se demandant si la politique peut survivre tout en étant une science. III. La politique peut-elle survivre en étant une science ? Pour cela, nous allons faire l'hypothèse logique que la politique est pleinement une science, avec toutes les implications qui en découlent, que nous avons détaillées précédemment. Tout d'abord, il semble que la politique en tant que science soit la source de la disparition du débat. En effet, il existe alors une fin certaine et des moyens à agencer de manière à aboutir nécessairement à cette fin. [...]
[...] Cependant, son usage étant conditionné aux principes exogènes qui composent la fortuna, il semble que le caractère scientifique soit remis en cause : trop d'éléments non rationnels doivent être pris en compte. Le philosophe développe également la théorie d'un dirigeant qui, en politique, pour conserver son pouvoir, doit agir à la fois comme un homme, user de sa raison, et comme une bête, en usant de moyens non rationnels. Machiavel, ne parle d'ailleurs pas de science, mais plutôt d'art, ce qui met l'accent sur la dimension subjective de sa théorie, en allant donc à l'encontre des principes de la science. [...]
[...] Si on ajoute le fait que des éléments purement subjectifs, le charisme par exemple, s'additionnent au discours politique, alors le vote, acte politique fondateur, devient très peu rationnel. C'est un élément que souligne Manin dans le chapitre « Une aristocratie démocratique » des Principes du gouvernement représentatif. Ce dernier convoque alors plutôt des considérations d'intérêt et de sensibilité, ce qui semble antagoniste avec l'idée de science, discipline par essence rationnelle. Ainsi l'acte politique essentiel du choix par le vote ne peut pas être scientifique, ce qui éloigne encore plus la politique du titre de science. Qu'en est-il dans des régimes ne résidant pas sur le processus électoral ? [...]
[...] En ayant montré que l'aboutissement d'une politique qui se pense de manière scientifique est justement la mise en place à terme d'un régime totalitaire, nous pouvons former une conclusion forte : si la politique venait à devenir pleinement une science, il n'y aurait plus de politique, elle se détruirait elle-même et seul subsisterait un gouvernement qui ne fait qu'obéir au sens de la Nature et de l'Histoire. Dans cette hypothèse, le gouvernant perd, tout comme les gouvernés, jusqu'à son libre arbitre, il n'est qu'un pion de l'Histoire. Ainsi, non seulement la politique n'a pas les capacités de prétendre à être une science, mais elle ne peut surtout pas le devenir, car dans ce cas elle n'aurait plus lieu d'exister. La politique n'est pas une science, et elle ne doit surtout pas chercher à en être une. [...]
[...] Ainsi, toutes les décisions politiques semblent converger vers le même point, un agencement de la cité tel que tous les individus atteignent le bonheur. La politique peut donc être conçue comme une « science du bonheur ». Ici, un nouvel aspect scientifique de la politique apparaît, en tant qu'elle mène vers une fin certaine, par l'agencement de différents moyens. Les moyens du raisonnement scientifique qui permettent d'accéder aux fins sont disponibles de façon universelle, en tant qu'ils convoquent des concepts purement rationnels, il n'y a donc pas de débat possible à leur égard. Il semble qu'en politique cette condition n'est pas entièrement remplie. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture