« Aujourd'hui, la philosophie politique est en état de délabrement voire de putréfaction, si même elle n'a pas entièrement disparu (...) Nous exagérons à peine lorsque nous disons qu'aujourd'hui la philosophie politique n'existe plus, sinon comme quelque chose qu'on enterre, c'est-à-dire comme sujet de recherches historiques, ou encore comme thème de protestations timides et sans convictions. » En ces termes, Léo Strauss dans Qu'est ce que la philosophie politique ? répond sans nuance à la question qui ouvre l'œuvre de Jacques Rancière La Mésentente-Politique et philosophie : La philosophie politique existe-t-elle ? Une question d'incongruité apparente parce se portant à contre courant de ce que le passé philosophique exhorte à penser, comme le présent dans lequel la philosophie politique « affirme bruyamment son retour et sa vitalité nouvelle ». La question pose deux types de problèmes : le singulier de la philosophie politique, qui suggèrerait qu'elle survit au temps et ne s'altère pas par les obstacles mais réussit à les surmonter et à s'en enrichir, et le présent qui incite à nous interroger sur sa valeur : une marque générale ou une marque du présent de l'instant « t ». L'auteur, dans les paragraphes qui nous sont présentés, s'attache à l'analyse de l'état actuel des choses. Pourquoi la question de l'existence de cette philosophie politique se pose : parce qu'il semble y avoir une certaine incompatibilité entre les deux domaines d'activité de la philosophie et de la politique. Par l'étude des définitions il n'y a pas incompatibilité puisque la philosophie se définit comme une réflexion sur ce qu'est la vie et la politique se définit comme l'art de faire vivre les hommes ensemble, cet art animé par une fibre qu'est celle de croire (ou vouloir) que l'ordre des choses du monde peut (doit) changer. Si les deux termes semblent aujourd'hui' hui si peu enclins à cohabiter, c'est que la politique connaît une disqualification aux yeux des citoyens formant le peuple, la politique semble détourner de la fonction à laquelle elle devrait s'assigner.
[...] Platon dans la République expose les prétentions de la philosophie politique, puisqu'il pense une Cité juste aux mains des philosophes rois. La philosophie politique constitue un danger pour les systèmes mis en place sans être issus des réflexions préalables de la philosophie, c'est d'ailleurs pour cela que le régime athénien a condamné Socrate à mort, lui qui remettait en cause la légitimité athénienne. La philosophie politique place le philosophe au milieu de son système de pensée, le philosophe devient une question centrale dans un domaine non-philosophique. [...]
[...] Lorsque l'auteur dit dans l'extrait que la philosophie politique n'a cessé d'animer la philosophie il laisse entendre par-là que la philosophie politique nourrit la philosophie en lui étant extérieur. Si la philosophie politique n'était qu'une composante de la philosophie, l'auteur dirait que la philosophie n'a cessé d'animer la philosophie politique. De plus lorsqu'il dit elle est présente à l'origine de notre tradition philosophique il ne dit pas qu'elle naît avec la philosophie, une partie de son essence semble être préexistante à celle de la philosophie parce que la Cité était déjà présente avant l'avènement de la philosophie. [...]
[...] La politique va alors se servir de la philosophie mais lorsque celle ci commencera à constituer un danger réel et non plus simplement potentiel, la politique va se débarrasser de la philosophie. La philosophie politique apparaît désormais comme une activité limitée, manipulée pour n'être que conforme aux désirs des politiques. Elle est assignée à assurer la communication entre les grandes doctrines classiques et les formes de légitimation ordinaires des Etats dits de démocratie libérale Les Etats de démocratie libérale ne demandent pas mieux que de recevoir par la philosophie politique la confirmation de leur légitimité aux vues des grandes œuvres. [...]
[...] B-Quelle relation entretient la philosophie politique avec les sciences sociales et l'histoire ? Jacques Rancière nous fait savoir que la philosophie politique affirme bruyamment son retour et sa vitalité nouvelle et cela depuis qu'elle s'est libérée de l'entrave du marxisme : le marxisme qui faisait de la politique l'expression ou le masque des rapports sociaux Pour Marx, en effet la philosophie politique est une fantasmagorie parce que les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde pourtant ce qui importe c'est de les transformer (XI des thèses de Feuerbach rédigées en 1845). [...]
[...] En ayant conscience de la persistance et la permanence des problèmes de la philosophie politique formulés par les grands esprits du passé pour le bien fondé de la communauté politique actuelle, ceux qui accordent une importance de premier plan à l'histoire de la philosophie politique ne sont pas des victimes de l'historicisme puisqu'ils libèrent les problèmes des limites strictes historiques. Transition : La philosophie politique ne saurait être l'objet d'un amalgame avec la pensée politique, la science politique et l'histoire de la philosophie politique. [...]
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