Depuis la fin de la Guerre Froide, les guerres civiles occupent une place nouvelle sur la scène internationale. Du fait de la diminution du nombre de conflits interétatiques, leur visibilité est bien plus grande qu'autrefois ; les « nouvelles » guerres civiles ,n'épargnent pratiquement aucune région du globe. Leur nouveauté naît à la fois de leur nombre croissant, mais aussi du type et de la multiplicité des acteurs impliqués dans ces conflits. En effet, elles ne se présentent plus sous un schéma classique où le gouvernement d'un Etat s'opposait à un groupe d'insurgés armés contestant sa légitimité.
On voit aujourd'hui s'opposer de multiples parties au sein de conflits caractérisés par une absence de l'Etat, à tel point que certains politologues sont parfois allés jusqu'à dénier le qualificatif de « guerre civile » à un conflit interne qui se déroulait sans la participation des forces gouvernementales légitimes, pour lui préférer le terme de « guerre interne » ou de « guerre déstructurée ». Caractérisées par l'absence de toute autorité étatique légitime, ces guerres civiles voient émerger de nouveaux acteurs, au premier plan desquels « les nouveaux mercenaires », compagnies privées de sécurité, ou encore sociétés militaires privées.
Dans les années 1960 à 1980, les conflits qui prennent naissance en Afrique dans le sillage de la décolonisation voient déjà apparaître ces « nouveaux mercenaires ». La fin de la guerre froide leur a offert un nouveau champ d'action, surtout dans un contexte marqué par l'affaiblissement des Etats. En outre, le rapport Brahimi relatif au bilan des activités de l'ONU rendu public en 2000 a relancé le débat, puisque ses conclusions ont conduit bon nombre d'analystes à suggérer de privatiser les opérations de maintien de la paix.
La question est ici celle de la régulation des guerres civiles ; cette régulation comprend à la fois un aspect gestion du conflit, mais aussi un aspect peace-keeping, et la capacité de régulation des firmes devra être envisagée sous ces deux angles d'étude. Face à l'acuité du débat et à la présence des acteurs privés dans une multitude de conflits, il convient de s'interroger sur la nature du phénomène, les causes de son développement et son efficacité.
Les compagnies de sécurité privées sont-elles un facteur de régulation ou de complexification des conflits, un vecteur d'intensification du conflit ou permettent-elles de résoudre les guerres civiles d'une manière plus adéquate que ne le font les acteurs internationaux légitimes et légitimés ?
Si l'émergence des compagnies de sécurité privées dans les « nouvelles » guerres civiles répond à une nouvelle configuration de la gestion internationale des conflits post guerre-froide et présente d'indéniables facteurs de régulation des guerres civiles (I), la logique « privatiste » qui les guide ne permet néanmoins pas de supplanter sur le long terme la gestion des difficultés post-conflit, d'autant que ces compagnies privées échappent à toute forme de régulation. (II)
[...] Ainsi, la situation chaotique en Irak a permis de mettre en évidence l'importance sans précédent de l'« externalisation de certaines fonctions de défense aux Etats-Unis. Fournissant hommes, services et matériels, des sociétés militaires privées occupent une place grandissante dans l'architecture de sécurité nationale. Pour la première puissance mondiale, le recours aux compagnies privées a facilité la projection ponctuelle de forces à l'étranger, tout en étendant l'influence géopolitique et technologique du pays. Et avant tout, cette sous-traitance a permis de contourner les contrôles parlementaires, le contrôle administratif et les procédures bureaucratiques. [...]
[...] En attendant, la question du respect des droits de l'Homme et du cadre juridique de leur action reste en suspens. Et Si l'insuffisance du dispositif juridique interdisant le mercenariat est grave, celle de l'encadrement des activités privées de sociétés internationales de sécurité (non-militaires) l'est tout autant., bien souvent, la nature du contrat, ses modalités et sa durée demeurent floues. Dans les Etats où les ressources naturelles ne manquent pas, il est fréquent que le contrat soit rémunéré via la privatisation de certaines ressources du pays. [...]
[...] En l'absence de régulation juridique, il faudrait pouvoir désigner des responsables : responsabilisation pourrait aller de pair avec légitimation, et entraîner une dynamique porteuse de respect des droits. Mais qui questionner en leur nom alors que ces compagnies ne sont pas légitimées sur la scène internationale ? Qui voudra endosser une quelconque responsabilité à l'heure en leur nom où le système onusien dénonce cette privatisation ? Puisque le bannissement de ces compagnies privées de la scène internationale paraît aujourd'hui impossible, la solution la plus efficace, en l'absence de cadre juridique structuré, semble donc résider dans l'établissement d'un dialogue entre l'ONU et ces compagnies. [...]
[...] C'est pourquoi, pour de nombreux analystes, elles permettent de réguler efficacement les situations de conflit correspondant aux guerres civiles contemporaines, et ce de manière beaucoup plus adéquate que ne le feraient les forces de l'ONU. Un autre argument, qui nous semble fondamental est que ces compagnies privées ont plus de latitude politique que les forces d'intervention labellisées comme classiques dans ce type de conflit, et ne sont pas tenues par des dispositifs d'alliance. Ceci est en effet un avantage indéniable dans des conflits où la configuration politique est parfois particulièrement complexe, non seulement à l'échelle de l'Etat concerné au premier plan, mais aussi au niveau régional et supra, en termes géopolitique. [...]
[...] En tout état de cause, ce classement révèle que ces néomercenaires sont très professionnels, cherchant à s'impliquer dans toutes les phases d'un conflit, au-delà de l'activité guerrière. Ils anticipent sur les besoins post-conflits et para-conflits et tentent de récolter la légitimation de la part des institutions internationales. Si les Etats africains fournissent les exemples les plus patents d'intervention de ces nouveaux acteurs, la logique de privatisation semble aujourd'hui s'imposer dans la plupart des Etats en proie à une guerre civile, accompagnant bien souvent la logique de prédation. [...]
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