La compétition politique est ainsi analysée de manière classique comme la simple mise en relation entre une demande et une offre politique. L'homme politique ne serait donc qu'un simple présentateur de programme politique, sa personne s'effaçant en quelque sorte derrière les idées défendues. Dans ces conditions, il n'est en rien étonnant que la question du "corps " même de l'homme politique ne soit jamais posée. En effet, si cette notion apparaît "inquestionnable", c'est qu'elle semble aller de soi.
La campagne présidentielle de 2007, qui a principalement opposé Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, amorce une rupture. Pour la première fois, en opposition à la figure de l'individu-citoyen abstrait, est revendiqué comme argument électoral le fait d'être "homme" ou "femme". Il reste que cette utilisation est conçue comme devant permettre d' « habiter » la fonction présidentielle face aux électeurs.
Elle renvoie donc à la définition d'un "corps présidentiel". Est-il possible d'isoler des caractéristiques fondamentales, qu'il faudrait nécessairement acquérir, sous peine d'échouer à "incarner" l'homme d'Etat à la française ? C'est toute la question qu'il convient d'étudier ici.
[...] Peut-on penser un "corps présidentiel"? Comme le soulignent Catherine Achin et Elsa Dorlin, tout se passe comme si, en France, jusqu'ici, la classe politique n'avait ni genre, ni sexualité, ni couleur, etc. La compétition politique est ainsi analysée de manière classique comme la simple mise en relation entre une demande et une offre politique. L'homme politique ne serait donc qu'un simple présentateur de programme politique, sa personne s'effaçant en quelque sorte derrière les idées défendues. Dans ces conditions, il n'est en rien étonnant que la question du corps même de l'homme politique ne soit jamais posée. [...]
[...] LE BRETON David, Anthropologie du corps et modernité, Paris, Quadrige, Puf 263p. MARZANO Michela, Penser le corps, Paris PUF 181p. MARZANO Michela (dir.), Dictionnaire du corps, Paris, PUF 1048p, Corps politique pp. 248-249. COULOMB-GULLY Marlène, Le corps présidentiel. Représentation politique et incarnation dans la campagne présidentielle française de 2007 Mots. Les langages du politique [en ligne] 2009, mis en ligne le 30 mars 2011. URL : http://mots.revues.org/index18753.html LE BRETON David, Anthropologie du corps et modernité, Paris, Quadrige, Puf 263p, p Ibidem, p 126. [...]
[...] Il reste qu'elle s'explique parfois par d'autres considérations. Ainsi, cette distanciation dans le champ politique est à concevoir en France comme un héritage de la conception universaliste révolutionnaire de l'individu citoyen. Cette conception abstraite de l'individu conduit ainsi à évacuer tous déterminants sociaux, ainsi que les variables de genre ou de race En définitive, l'individu n'est plus situé La mise en avant du corps comme argument politique n'est donc pas pensable dans ce contexte. Ou du moins, si elle est effective, elle s'opère à couvert et n'est pas revendiquée. [...]
[...] C'est toute la question qu'il convient d'étudier ici. Au regard des stratégies de campagne adoptées par les candidats UMP Nicolas Sarkozy et PS Ségolène Royal durant la campagne électorale de 2007, il convient d'abord d'étudier dans quelle mesure l'institution présidentielle est construite Il s'agit ensuite d'étudier quelles sont les stratégies adoptées par les candidats pour faire leur ce corps présidentiel I. La construction de l'institution présidentielle Il convient de souligner dès l'abord que l'institution présidentielle est quelque chose de plus que les institutions qui la composent. [...]
[...] Autrement dit, les électeurs auraient-ils plébiscité dans les urnes un candidat au corps présidentiel viril plutôt qu'une candidate à la féminité assumée? Est-il possible en définitive de dépasser cette conception du corps présidentiel, historiquement toujours porté par des hommes, pour aboutir à une définition élargie, dans laquelle la féminité aurait sa place ? C'est tout le sens de la conclusion désabusée d'Achin et Dorlin lorsqu'elles observent la désacralisation de la fonction présidentielle observée en 2007. Le corps du Président, pour la première fois peut-être dans l'histoire de la Ve République, incarne concrètement, parfaitement ce peuple français supposé, tant convoité, dans une forme de représentativité négative : le Président, c'est juste un mec, blanc, hétéro, moyennement sexiste et homophobe et tendanciellement raciste.[20] Bibliographie ACHIN C., DORLIN E. [...]
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