Peut-on parler d’un modèle de laïcité « à l’américaine » ?

Résumé du document

Les Etats-Unis sont présentés comme le premier Etat laïque, c'est-à-dire, le premier Etat ayant instauré une séparation et une neutralité entre Eglise et Etat ; les acteurs politiques ne pouvant, ni invoquer, ni contester un dogme religieux dans la sphère publique, garantissant ainsi l'égalité de traitement des différentes confessions. En effet, les Etats-Unis instituent une séparation entre la sphère politique et la sphère religieuse dès la Constitution de 1787.
Les Etats-Unis se posent en modèle, et le respect de la laïcité est lié à un discours messianique. Ainsi, la « commission américaine pour la liberté de religion dans le monde » dénonce les lois françaises sur le port du voile. On relève aujourd'hui des débats récurrents sur l'évolution de la laïcité républicaine française vers une laïcité plus « ouverte » « à l'américaine ». Mais on pourrait s'interroger dans quelle mesure la laïcité «à l'américaine » constitue réellement un modèle.
Il s'agit ainsi de déterminer si la conception institutionnelle et culturelle de la laïcité aux Etats-Unis est un modèle, au sens d'un exemple transposable à l'étranger ou au sens d'un exemple unique, présentant sa propre cohérence interne.
Dans un premier temps, nous soulignerons en quoi, au plan institutionnel, l'approche américaine constitue un modèle fédéral de gestion des rapports Eglises/Etats et dans un second temps, nous définirons le concept de « religion civile » et ses dérives potentielles.

Extraits

[...] Peut-on parler d'un modèle de laïcité à l'américaine ? Les Etats-Unis sont présentés comme le premier Etat laïque, c'est-à-dire, le premier Etat ayant instauré une séparation et une neutralité entre Eglise et Etat ; les acteurs politiques ne pouvant, ni invoquer, ni contester un dogme religieux dans la sphère publique, garantissant ainsi l'égalité de traitement des différentes confessions. En effet, les Etats-Unis instituent une séparation entre la sphère politique et la sphère religieuse dès la Constitution de 1787. Les Etats-Unis se posent en modèle, et le respect de la laïcité est lié à un discours messianique. [...]

[...] Jean Baubérot met en évidence ce paradoxe d'une ambiguïté entre sphère politique et sphère religieuse, comme une des caractéristiques des pays protestants du Nord de l'Europe et des Etats- Unis. Outre-atlantique, c'est la symbiose entre religion et politique, par le biais de la religion civile qui fait de la laïcité américaine un modèle unique. Cependant, ce modèle est aujourd'hui remis en question, comme en témoigne l'Affaire Michael Newdow. (5591 caractères) θ Bibliographie [...]

[...] [...]

[...] Les Etats-Unis ont donc adopté un modèle institutionnel transposable pour tout Etat fédéral. On note ainsi des similitudes avec la gestion allemande des questions religieuses au niveau des länder. Cependant, la laïcité américaine est avant tout caractérisée par son approche philo-cléricale selon l'expression de Denis Lacorne. Le pluralisme religieux doit être respecté, ce qui implique la possibilité de porter des signes religieux ostentatoires dans la sphère publique. Cette laïcisation est conditionnée par l'instauration d'une religion civile qui se substitue à une religion d'Etat. [...]

[...] Il faut attendre la décision de la Cour Suprême, lors de l'arrêt Cantwell v. Connecticut en 1940, pour que la clause de libre exercice soit appliquée aux Etats fédérés et en 1947, en ce qui concerne la clause de non-établissement (arrêt Everson v. Board Education). Le pouvoir exécutif fédéral demeurant neutre, c'est le pouvoir judiciaire qui tient le rôle d'arbitre des rapports entre l'Eglise et l'Etat. L'interprétation de la Constitution, conduit à l'opposition en deux camps : les séparatistes prônant une stricte séparation et les accommodateurs appelant à une coopération. [...]