L'article 1382 du Code Civil, portant sur la responsabilité du fait personnel, stipule que « tout fait quelconque de celui qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel ce dommage est arrivé à le réparer. » Ce principe fondateur du droit de la responsabilité, notamment individuelle, détermine, par l'appréciation et l'interprétation qui en est faite par les différentes instances, les places respectives de la victime, du responsable du dommage subit par cette dernière, et enfin la considération apportée à notion de responsabilité individuelle, qu'il convient de distinguer de la responsabilité civile, qui ne prend pas nécessairement en compte la faute.
Or, les évolutions sociales, économiques et techniques semble favoriser une tendance au déclin de la responsabilité individuelle par plusieurs leviers distincts mais aux conséquences relativement similaires : le développement de l'assurance, qui mutualise le risque et son coût, l'apparition de nouvelles formes de risques, face auxquelles la responsabilité individuelle semble limitée du fait de leur ampleur et de leur imprédictibilité, et surtout peut-être la place de la victime dans le jugement, car la volonté croissante de réparation que l'on observe occulte la faute et, dans une certaine mesure, réduit la responsabilité civile au débiteur le plus solvable.
Ainsi, après vu de quelle manière la prise en compte de la faute, qui est l'expression négative de la responsabilité de l'individu, est affaiblie à l'avantage de la victime, nous aborderons les mutations techniques et économiques qui expliquent l'altération que subit actuellement la responsabilité.
[...] En effet, il s'agit surtout de dangers futurs, très hypothétiques, comme cela est parfaitement illustré par les polémiques incessantes sur les organismes génétiquement modifiés (on pourrait aussi citer les dangers controversés des téléphones portables, qui sans jamais avoir été formellement démontrés, on néanmoins conduit à une législation imposant des normes de construction limitant les risques éventuels). Il s'agit de procéder à un arbitrage impossible entre un bénéfice globalement quantifiable et un risque très élevé mais dont la probabilité de réalisation est en revanche faible. Le déclin de la responsabilité individuelle semble avéré. [...]
[...] On assiste à un déclin, relatif, de la responsabilité individuelle, du fait d'une incompatibilité croissante entre la faute et la volonté de réparation 1. La victime occupe une place croissante dans le jugement Il existe a priori un déséquilibre naturel entre la victime et la personne responsable de la faute au sens de l'article 1382. En effet, c'est à la victime de démontrer qu'une faute a bien été commise, ce qui s'avère parfois presque impossible. De ce fait, tant pour de considération d'efficience économique que morales, le droit est allé dans un sens de plus en plus favorable à la victime, suivant ainsi les évolutions sociales et techniques (avec par exemple l'introduction de la notion de responsabilité sans faute, à l'origine du droit du travail lors de la révolution industrielle au 19e siècle : en 1898 est consacrée l'indemnisation des victimes d'accidents du travail). [...]
[...] C'est une interprétation très favorable à la victime de l'article 1382. En effet, à l'origine rendu pour combler un déséquilibre entre une victime, notamment un piéton qui ne bénéficie pas d'assurance et un automobiliste couvert dont l'assurance pouvait à l'extrême se retourner contre le piéton, cet arrêt consacre le recul de la faute dans la conception de la responsabilité. De ce fait, la notion de responsabilité légale au sens de l'obligation de dédommager la victime, s'éloigne sensiblement du sens usuel de la responsabilité, puisqu'un automobiliste, sans même avoir commis la moindre négligence, en s'étant comporté en bon père de famille peut-être déclaré responsable d'un dommage causé. [...]
[...] De ce fait, le caractère aléatoire du lien cause conséquences introduit la notion de fatalité dans l'appréciation de la responsabilité individuelle qui s'en trouve forcément amoindrie. II. Ce déclin avéré est une conséquence logique et inévitable des évolutions tant techniques qu'économiques 1. Le développement de la logique d'assurance apporte une réponse à l'aversion naturelle au risque des individus Le principe de l'assurance est de minimiser non pas le coût des risques inhérents à toute activité (puisqu'au contraire l'espérance, ou plus trivialement la moyenne, des coûts assumés par un assuré quel qu'il soit est inférieure au coût réellement supporté par l'assuré, du fait du profit généré par les sociétés d'assurance) mais le risque en lui-même : l'aversion au risque chez la plupart des individus est telle que ceux-ci acceptent de payer un surplus par rapport au risque qu'ils doivent s'attendre à supporter, avec en contrepartie la prévisibilité des charges qu'ils doivent verser. [...]
[...] L'évolution de la jurisprudence quant à la responsabilité du fait d'autrui, selon l'article 1384 du Code Civil[1], suit clairement cette tendance. En effet, jusqu'en 1997, les parents pourraient être exonérés de la responsabilité du fait de leurs enfants mineurs dans le cas où ils arrivaient à faire la preuve de leur comportement en bons parents Il s'agissait alors clairement d'une incitation à la prise de responsabilité de ces derniers, puisque leur comportement pouvait être récompensé. Or, l'arrêt Bertrand, du 19 Février 1997, a transformé cette exonération éventuelle en une responsabilité de plein-droit, avec un évident souci d'indemnisation des victimes, les parents étant manifestement plus solvables que leurs enfants mineurs. [...]
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