Quelle conception de la liberté du travail journalistique un régime démocratique peut-il légitimement adopter ? A l'heure de la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, il paraît anachronique de militer pour la restriction de la liberté d'informer. En France, comme dans la plupart des démocraties occidentales, la conception de la liberté d'informer retenue, qui s'exprime par l'opinion publique représentée par le pouvoir législatif, oscille entre des représentations de la fonction journalistique ambivalentes (I), et se trouve réglementée par un droit positif incertain et contradictoire, théâtre d'un préoccupant conflit de droit (II)
[...] Le mythe d'un pouvoir journalistique absolu Le mythe du pouvoir démesuré des journalistes présente un risque important pour la liberté d'informer, et donc pour la démocratie. Il faut donc veiller à ne pas sombrer dans une paranoïa liberticide qui conduirait à anéantir le droit à l'information au seul prétexte d'un prétendu autoritarisme journalistique latent. Quotidiennement accusés d'exercer un pouvoir absolu, dangereux pour la démocratie elle-même, les journalistes apparaissent finalement victimes d'une véritable hallucination collective. Une étude approfondie de l'effet réel des médias révèle ainsi que ces craintes relèvent, pour une grande partie d'entre elles, de mythes, et sont ainsi largement infondées. [...]
[...] Il ne semble donc pas justifié de contrôler à outrance le droit des journalistes à diffuser l'information. Dans les faits, en outre, il apparaît que la liberté d'information représente une nécessité absolue au sein d'un régime démocratique, nécessité d'ailleurs reconnue par un grand nombre des citoyens. B. L'incontestable nécessité de la liberté d'information La liberté d'information est l'un des fondements indéniables de toute démocratie véritable. Elle est manifestée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, posant que la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme Les mécanismes de la démocratie, notamment le choix éclairé des représentants et le contrôle de leur activité par les citoyens, nécessitent en effet une transparence que seuls des journalistes indépendants du pouvoir peuvent garantir. [...]
[...] Une capacité potentielle de nuisance réelle mais limitée Personne ne semble plus douter aujourd'hui de la capacité de nuisance potentielle des journalistes. Sans même évoquer le cas des journalistes irrespectueux du droit et de la déontologie inhérent à la profession, et qui ont pour leur part un pouvoir de nuisance qui n'a rien de potentiel, il n'est pas excessif d'avancer que les journalistes les plus sérieux peuvent être amenés à nuire aux principes de la démocratie, notamment en matière de présomption d'innocence, lors du traitement journalistique des affaires judiciaires, et a fortiori lorsqu'elles concernent des questions politico- financières Le fait est, en effet, qu'aujourd'hui en France, la simple évocation d'une mise en examen est immédiatement interprétée comme un prononcé de culpabilité, faisant autorité de la chose jugée au sein de l'opinion publique. [...]
[...] Conclusion La conception de la liberté du travail journalistique en régime démocratique est donc complexe et riche d'enjeux. Entre grands principes de liberté et évidentes nécessités de contrôle, notions à la fois ambivalentes et fondatrices de toute démocratie, s'exprimant aussi bien dans les représentations sociales du travail journalistique qu'au sein du droit positif appliqué par les tribunaux, l'activité des journalistes semble prise entre deux feux. Fort heureusement, un équilibre se forme. Les journalistes s'imposent une déontologie surpassant sur certains points les exigences du droit. [...]
[...] La position libérale adoptée par la Convention européenne des droits de l'Homme L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH) n'autorise les restrictions au principe de la liberté d'expression (duquel découle celui de la liberté d'informer) que si elles sont prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique. Or, les journalistes font régulièrement usage de fac-similés de documents extraits de dossiers d'instruction et publient des procès verbaux sans que cela ne donne lieu à poursuites. [...]
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