Tandis que le monde occidental entre dans une ère où la religion appartient de plus en plus à la sphère privée, le monde arabe a vu au contraire une expansion exacerbée de la religion dans le domaine public durant le dernier quart du XXe siècle. La pendaison du penseur islamiste Sayyid Qotb le 29 août 1966 dans l'Egypte de Nasser peut être considérée comme un fait déterminant dans l'histoire de l'islamisme puisqu'il va entériner un mouvement de radicalisation. Cet évènement a suscité la colère et l'indignation des Frères musulmans et a été ressenti comme une provocation de la part du dirigeant Nasser ; d'autant plus que le mouvement des Frères musulmans avait été dissout douze ans plus tôt. Qotb, au même titre que Mawdoudi au Pakistan ou Khomeni en Iran, est l'une des figures phares de l'idéologie islamique. Il a élaboré une pensée moderne de l'islamisme. Ces trois figures emblématiques ont en commun qu'ils prônent l'établissement d'un Etat islamique. Leur idéologie s'inscrit dans une rupture avec le nationalisme arabe des années 1960.
Si l'exécution de Qotb peut marquer le début de cette radicalisation, les attentats du 11 septembre 2001 peuvent représenter son paroxysme. Pas moins de 6000 personnes sont mortes lors de l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center ; pour la première fois de l'histoire, les Etats-Unis sont touchés en plein cœur et montrent leur vulnérabilité. Si Al-Quaida a revendiqué ces attentats, si les principaux responsables de cet évènement sont désormais connus, une question reste : pourquoi ? Des dizaines voire des centaines d'ouvrages ont tenté de répondre à cette question durant ces dernières années. Mais la vraie question est de savoir : comment en sommes-nous arrivés là ? Alors qu'au tournant des années 1999-2000, de grands spécialistes du Moyen-Orient tels que Gilles Keppel ou Olivier Roy annonçaient le déclin de l'islamisme, les attentats du 11 septembre ont prouvé qu'il n'avait jamais été aussi puissant.
[...] Il ne faut pas non plus s'imaginer qu'il existe une grande organisation mondiale qui regroupe toutes les organisations islamistes et qui agissent d'une seule voix. Certains pensent qu'Al Quaida remplit ce rôle. Il semble que les mouvements soient plus disparates et plus hétéroclites et il faut s'attendre à ce que cette rébellion djihadiste soit présente partout où la répression sévit. Bibliographie François Burgat, L'islamisme en face, La Découverte Ghassan Salamé, Démocraties sans démocrates, Fayard Gilles Kepel, Jihad, Éditions Gallimard, Paris Olivier Roy, L'islam mondialisé, Paris, 2002. [...]
[...] L'humiliation et l'oppression des régimes en place sont par exemple deux grands facteurs de la radicalisation des mouvements islamistes. D'ailleurs, il semble que tous les grands mouvements islamistes prennent naissance et se radicalisent suite à l'oppression politique et à la répression. I. Le djihad : une réponse à l'oppression et à l'humiliation A. L'extrémisme comme solution à l'oppression des régimes politiques Il existe dans les pays du monde arabe une forte corrélation entre le degré de liberté des citoyens et l'importance des mouvements extrémistes. [...]
[...] Les grands mouvements islamistes se sont toujours construits en réaction à une oppression A. De la naissance à la radicalisation des Frères musulmans sous le régime nassérien Le mouvement des Frères musulmans est créé en Égypte en 1928 sous la domination coloniale. La création de ce mouvement se fait en réponse à un profond désarroi du monde musulman de l'époque. La domination coloniale chrétienne est à son apogée, le Califat ottoman d'Istanbul est renversé en 1924 alors qu'il symbolisait l'unité du peuple musulman à travers le monde. [...]
[...] Cet évènement a sûrement été le plus victorieux dans l'histoire des mouvements islamistes car ces derniers ont pu parvenir à leurs fins en s'emparant réellement du pouvoir. Avant cette révolution, l'Iran du shah est relativement prospère au niveau économique, et il existe une importante classe moyenne urbaine bénéficiant d'un système éducatif de qualité. Cependant, il n'y a alors aucune place pour la liberté d'expression ni pour la représentation politique. D'autre part, l'Iran bénéficie du soutien américain, ce que conteste fortement Khomeni qui accuse alors le shah d'avoir abandonné la souveraineté nationale. [...]
[...] La baisse de revenus du pétrole en 1975 a catalysé le processus de radicalisation de la pensée islamiste en Iran suite à la campagne antispéculation menée par le gouvernement Cette campagne a donné lieu à l'emprisonnement et l'humiliation publique des commerçants les plus connus de Téhéran. Le peuple a alors besoin d'un parti fort pour représenter ses idées et ses prétentions. C'est alors Khoméni qui réussit à rassembler derrière son clergé tous les pans de la population, des intellectuels islamistes à la jeunesse urbaine pauvre en passant par la bourgeoisie pieuse. Son fer de lance pour convaincre les foules réside dans la critique virulente du shah qui ne respecte pas le chi'isme socialiste et qui a opprimé et déshérité ses justes défenseurs. [...]
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