Il est traditionnel de faire consister le rôle de l'historien dans l'étude de ce qui est arrivé. Le métier d'historien a donc pour objet le passé. Il s'attache à l'aboli et au révolu. Et dans la mesure où il vise à rapporter des événements qui ont réellement eu lieu, l'histoire, comme discipline, est sous-tendue par une norme de vérité. En tant que telle, elle est une activité de connaissance : c'est la connaissance du passé. Dès lors, l'idée d'une histoire du temps présent n'implique-t-elle pas contradiction ?
L'idée qu'on puisse prétendre faire œuvre d'historien tout en étant le contemporain des événements s'est pourtant imposée dès la naissance de l'histoire, comme en témoignent l'Enquête d'Hérodote — le « père de l'histoire » — ou la Guerre du Péloponnèse de Thucydide. De même, depuis les années soixante, il existe en France une collection historique intitulée : L'histoire immédiate. Celle-ci est même entrée dans les programmes des lycées à partir des années 1980.
Le problème est donc ici de savoir s'il est possible à l'historien de parvenir à une connaissance vraie, objective, de son époque. Quels obstacles rencontre-t-il dans ce projet ? Ces obstacles sont-ils décisifs ? Et, si non, de quels atouts dispose l'historien du présent ?
[...] Ainsi, le fait d'ignorer l'issue d'un événement peut constituer un atout pour l'historien du temps présent. Cela l'oblige à en prendre en compte tous les aspects, à envisager toutes les hypothèses et par conséquent à analyser de manière plus complète les facteurs en jeu. Enfin, s'il est certes vrai que l'on peut avoir l'impression de vivre un événement historique capital, destiné à jouer un rôle déterminant dans le futur, et s'illusionner, ce n'est pas toujours le cas. Le fait d'ignorer les principales conséquences d'un événement n'interdit pas nécessairement d'en déceler l'importance. [...]
[...] Marc Bloch n'est pas Fabrice del Dongo commente J. F. Soulet (p. 45). L'objection la plus importante à la constitution d'une histoire du temps présent, c'est celle qui concerne le jugement d'importance (Paul Valéry), c'est-à-dire la nécessité pour l'historien de choisir les événements les plus significatifs. Et s'il est vrai que l'importance doit se mesurer non à la taille du fait initial, mais à la taille des faits qui en sont résultés il semble que ce choix ne puisse se faire que rétrospectivement. [...]
[...] Il n'est même pas certain que l'historien du contemporain se trouve soumis à des contraintes plus intenses que l'historien qui limite son champ d'investigation au passé. On peut même dire, d'un certain point de vue, qu'il est avantagé. Le propre du temps, en effet, c'est de simplifier les événements tout en les affaiblissant et en les déformant. L'historien du présent, dont le domaine d'étude est le vécu dans ses multiples aspects, peut d'autant mieux rendre compte de cette complexité et surtout, en en prenant conscience, être amené à plus de prudence dans son explication des faits. [...]
[...] Peut-on être historien de son temps? Il est traditionnel de faire consister le rôle de l'historien dans l'étude de ce qui est arrivé. Le métier d'historien a donc pour objet le passé. Il s'attache à l'aboli et au révolu. Et dans la mesure où il vise à rapporter des événements qui ont réellement eu lieu, l'histoire, comme discipline, est sous-tendue par une norme de vérité. En tant que telle, elle est une activité de connaissance : c'est la connaissance du passé. [...]
[...] D'ailleurs, le peu de documents existants n'a jamais arrêté l'historien, à l'instar du paléontologue qui reconstitue le squelette entier d'un animal à partir de quelques ossements seulement. L'obstacle qui rend inaccessibles certaines archives, s'il est bien réel, n'est pas pour autant incontournable. Venons en maintenant au reproche de subjectivité. L'étude historique du temps présent, dit-on, aboutirait inévitablement, faute du recul nécessaire, à une vue partiale et partisane des événements. C'est là une objection très discutable. Tout d'abord, si le risque de subjectivité existe bien, il convient de remarquer qu'il n'est pas l'apanage de l'historien du présent. Il se retrouve également dans l'étude du passé. [...]
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