Sur les philosophes du politique qui se sont intéressés à la construction d'un sentiment d'appartenance qui ne serait pas nationaliste, un courant de pensée pose le caractère conjoncturel (dépassable) du lien très fort qui s'est instauré en Europe entre le lien national et démocratique. En Europe, dès le 19e, s'instaure une corrélation très forte dans les représentations entre l'idée nationale et démocratique : le cadre de la démocratie par excellence serait l'État-nation. Mais on pense que ce lien est conjoncturel, historiquement situé : il n'est pas indépassable. Ce sont les penseurs du post-nationalisme (le nationalisme peut être dépassé) : ils invitent à dépasser du cadre stato-national (le cadre de l'État-nation), afin d'essayer de penser une citoyenneté qui serait aussi post-nationale, pas enfermée dans le cadre d'un État-nation (qui pourrait exister dans d'autres formes politiques). On peut citer Habermas, Ferry et Lacroix. Ils cherchent à penser un modèle politique où la citoyenneté (l'appartenance à une communauté politique) ne se superposerait pas à la nationalité, comme dans le cas de l'État-nation.
[...] Il faut distinguer l'identité nationale et l'identité politique. Pour lui, le seul moyen pour l'Allemagne de faire la paix avec son passé est de dissocier l'identité culturelle allemande et le régime de l'État-Nation. La division entre la RDA et la RFA participe à cette réflexion. Se pose la question de savoir si ce concept extrêmement lié à l'histoire allemande est en capacité de s'exporter dans des États- Nations qui ont une histoire radicalement différente. Cette théorisation du patriotisme constitutionnel se réalise en opposition à autre chose. [...]
[...] On considère que l'objectif du patriotisme constitutionnel est louable, mais trop désincarné, flou. Il est si flou qu'on le retrouve dans le discours libéral et altermondialiste, alors qu'ils sont liés à des projets extrêmement différents. Les limites du patriotisme constitutionnel sont que ce concept exige une identification très rationnelle à la communauté politique et un niveau de conscience civique élevée. Et puis, ce concept de patriotisme constitutionnel est directement lié à l'histoire nationale allemande : il est difficilement exportable. Habermas et Ferry sont allemands et la manière dont ils développent ce concept est très liée au contexte de l'Allemagne de l'après-guerre. [...]
[...] On a un découplage entre la citoyenneté et la nationalité, alors que les États les fusionnent. Habermas et Ferry voient un contexte favorable à l'émergence d'une citoyenneté post- nationale, qui n'est plus rattachée ni à la nationalité ou la nation, mais uniquement à un système politique. Cette distinction entre citoyenneté et nationalité repose sur une distinction du demos (peuple, la communauté politique) et de l'ethnos (le peuple comme communauté culturelle). Ce découplage repose sur une déconnexion de la communauté politique et de la communauté culturelle d'appartenance. [...]
[...] Ces philosophes de la pensée post-nationale parlent de patriotisme constitutionnel. Les tenants de la pensée post-nationale défendent le principe de l'UE en disant que l'Europe est une manière de dépasser le nationalisme du 19e. L'objectif qui devrait être celui de l'Europe est de ne pas reproduire cette connexion entre citoyenneté et nationalité pour éviter la résurgence des nationalismes. Ils disent qu'il faut distinguer l'ethnos et le demos. Mais comment fonder un sentiment d'appartenance politique s'il ne peut pas reposer sur un sentiment d'appartenance culturelle ? [...]
[...] L'attachement à des principes juridiques (ceux de l'État de droit) et à des valeurs universalistes (démocratie) est suffisant pour structurer une identité politique. Pour Ferry, le patriotisme constitutionnel s'appuie sur le partage, la reconnaissance de droits et de valeurs communs et n'a pas besoin d'une dimension affective. Le principe de cette identité post- nationale est que le citoyen se sent appartenir à son État-nation d'origine, sans pour autant en faire l'appartenance politique ultime. Ils parient sur la capacité à considérer que notre identité nationale n'est qu'une dimension de notre identité. Ils pourraient adhérer à un État multiculturel et multinational. [...]
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