Pasolini, communisme, Italie, section de Casarsa, poète tragique, staliniens, libertaires
Pier Paolo devient rapidement un jeune dirigeant communiste et prend la fonction de secrétaire de la section de Casarsa. Il s'implique corps et âme dans cette activité, rédige les placards muraux en y déployant tout son talent de futur écrivain et en y mettant toute sa fougue révolutionnaire. Ses principales cibles : la Démocratie chrétienne, les riches exploiteurs, les propriétaires fonciers. Il prononce son premier discours politique au cours du congrès de la fédération de Porderone. Le thème : la révolution dans la culture, en accord avec des positions de Vittorini dans le Politecnico. Pasolini était alors inconnu : jeune étudiant communiste, il allait réussir à gravir les échelons au sein du parti grâce à son intelligence froide. Envoyé comme délégué en Hongrie, puis en 1948 à Paris au congrès des Partisans de la paix, il serait l'année suivante mis en accusation par le même parti et rejeté dans le néant d'où il venait quand éclaterait le grand scandale le concernant.
[...] Pas question : l'écrivain doit se mettre au service du parti et non voler de ses propres ailes. Le stalinisme moralisateur réagit aux tentatives de révisionnisme de manière réactive. Les années et 69, voire les suivantes, voient l'avènement d'un durcissement des positions du côté des jdanoviens comme des staliniens qui s'apprêtent au nouveau tour de valse avec les néo-jdanoviens d'un engagement qui n'est ni littérature ni action, mais geste oratoire, conformisme déguisé en indignation, ramassis de lieux communs, virilisme, camaraderie, chœur, chahut, chantage moral, création de fausses tensions et d'attentes préconstituée, démagogie, lynchage, racisme, moralisme, inhumanité. [...]
[...] La honte pèse sur sa famille que le village insulte et que les amis abandonnent à cause de lui Les Pasolini sont devenus des pestiférés. Il quitte Casarsa et gagne Rome avec sa mère. Son père les rejoindra deux ans plus tard, mais survivra peu de temps à cause d'une maladie de foie ajoutée à l'angoisse d'une vie ratée. Il ne voulait pas se soigner, au nom de sa vie rhétorique Il ne nous écoutait pas, ma mère et moi, car il nous méprisait. Je revins à la maison tout juste pour le voir mourir. [...]
[...] Pour moi ce progrès me paraît illusoire. Car, dès l'instant où l'humanité aura réalisé l'industrialisation totale de la planète, nous risquons de voir réapparaître un moralisme extrêmement rigide, hyper- rationnel, et qui aura autant d'efficacité répressive que dans les civilisations paysannes les plus rétrogrades. Les heures supplémentaires dont nous plaisantons laissent déjà présager de nouvelles contingences que l'on impose à l'amour. De plus en plus la société nous contraindra à faire l'amour dans les normes productives ou sociales. Elle veille à distribuer les rôles dans la production comme dans l'amour Lettre à Silvana Mauri. [...]
[...] Il ne croit pas en dieu, mais souscrit à la parole du Christ, qui n'est donc pas pour lui le fils de Dieu. C'est à lui-même d'abord qu'il songe à s'en prendre : c'est dire l'ampleur de sa démarche sacrificielle et même christique. Il songe en effet à se tuer, comme il l'écrit dans une lettre à son ami Francesco Maurino de la fédération communiste, lettre qui sera publiée plusieurs années après son assassinat : Je suis sans travail, c'est-à- dire réduit à la mendicité. Tout simplement parce que je suis communiste. Je ne m'étonne pas de la diabolique perfidie démocrate-chrétienne. [...]
[...] Le plus étrange, c'est que Pasolini cherchera toute sa vie à oublier et surtout à faire oublier cet épisode de l'exclusion, affirmant dans certaines interviews tardives qu'il n'a jamais été membre d'aucun parti, mais a toujours accompagné la route du PCI. Même avec ses amis les plus intimes ou sa famille, c'est un épisode sur lequel il ne reviendra jamais. On a pu vouloir y voir une sorte de pudeur ombrageuse. C'est possible. La honte n'était pas étrangère à Pasolini. [...]
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