Fort de quelque 140 millions d'habitants, le Pakistan a accédé depuis 1998 au statut de puissance nucléaire, mais aussi à celui d'État voyou (‘rogue state') aux yeux des États-Unis. Sous les feux de l'actualité internationale depuis la crise afghane de l'automne 2001, consécutive aux attentats du 11 septembre aux États-Unis, Le Pakistan reste pourtant encore un pays mal connu. Son histoire est marquée par deux traumatismes fondateurs. Le premier trauma est celui de la partition de l'Inde colonisée qui donne naissance en 1947 aux deux nouveaux États indépendants de la région, l'Inde et le Pakistan. Ce dernier surgit dans le sang d'innombrables émeutes et massacres, après de vastes transferts de populations. Le second trauma est celui du démembrement de 1971 : le Pakistan oriental gagne son indépendance et devient le Bangladesh. L'indépendance du Bangladesh montre que la construction de 1947 était une œuvre artificielle. Le Pakistan d'aujourd'hui est donc réduit aux frontières de sa seule partie occidentale d'avant 1971. Dans ces conditions, on comprend aisément l'énorme secousse identitaire subie par les populations au cours de ces décennies.
En 1947, le leader de la Ligue Musulmane, Mohammed Ali Jinnah, déclarait : « Voici une nation sans État. Faisons d'abord l'État et nous aurons le temps de nous disputer ensuite à propos des questions de détail. » Bien au contraire, le Pakistan d'après 1947 était avant tout un État sans nation. Or, derrière l'invention de cette nation se pose aussi l'épineuse question de l'identité nationale. Comme nous le verrons dans une première partie, le Pakistan est composé d'une véritable mosaïque ethnique qui multiplie les identités locales et régionales. Dès lors, comment parvenir à un ensemble cohérent, prenant en compte les particularismes ? Cette tâche est-elle possible ou faut-il imposer un modèle identitaire ? C'est ce que nous étudierons dans une seconde partie à travers les tentatives des gouvernements successifs pakistanais pour établir et construire cette identité nationale, en nous penchant sur les différents éléments qui la constituent.
[...] En outre, l'entrée du Pakistan sur la scène politique internationale vient modifier quelque peu la donne, en montrant que la question de l'identité ne se pose pas seulement en interne. Le projet initial le montre bien : le Pakistan se voulait avant tout un pays fondé sur le regroupement des musulmans de l'ancien Empire britannique. Or la religion est une donnée essentiellement transnationale. De sorte que le Pakistan cherche à élaborer son identité par différenciation : il souhaite avant tout exister contre l'Inde, pays laïque et démocratique. [...]
[...] Quelle identité souhaite-t-on réaliser ? Faut-il favoriser une identité musulmane ou une identité pakistanaise ? Dans un pays où 97% de la population est musulmane, parler d'identité musulmane semble une évidence. En l'absence d'une définition claire de l'identité pakistanaise avec des critères autres que les éléments islamiques les identités musulmane et pakistanaise sont souvent utilisées indifféremment et sont interchangeables, sinon synonymes L'intégration nationale Si lier les identités musulmanes et pakistanaises peut paraître pertinent à certains égards, cela devient problématique dans d'autres cas puisque, de cette manière, on écarte les groupes non musulmans, sans se soucier de leur intégration à la nation pakistanaise. [...]
[...] Adeney, Katharine, Politics of identity in South Asia in Contemporary Political Studies, vol p.341-353. Khory, Kavita, National integration and the politics of identity in Pakistan in Nationalism ad Ethnic Politics, vol.1, winter 1995, pp 23-43. Sites Web www.monde-diplomatique.fr http://www.ladocfrancaise.gouv.fr/dossier_actualite/inde_pakistan/index.sh tml Dossier en ligne : Inde-Pakistan, un demi-siècle d'affrontements mars 2004. http://www.senat.fr/rap/r01-336.html Rapport d'information du Sénat n°336 (2001-2002) : Inde-Pakistan, de la crise au dialogue ? Pakistan : fiche pays Données générales Nom officiel : République islamique du Pakistan Capitale : Islamabad Superficie : km2 Population : Indice développement humain PNUD : 142/177 Taux d'alphabétisation : 39% Monnaie : Roupie pakistanaise (RUPP) Fête nationale : Jour de la République, le 23 mars Langues : Ourdou et anglais (langues officielles), punjabi et variantes, sindhi, pachtou, baloutchi Groupes ethniques : Panjabis, Sindhis, Pachtouns (Pathans), Baloutchis, Muhajirs (immigrants de l'Inde au moment du partage et leurs descendants) Religions : Islam (religion d'Etat, christianisme hindouisme Données politiques Type de gouvernement : République fédérale Principaux partis politiques : Muttahida Qaumi Movement, Altaf Muttahida Majlis-e-Amal Pakistan Pakistan Muslim League, Nawaz Sharif Pakistan Muslim League, (Unified) Pakistan People's Party Parliamentarians [PPPP] Chef de l'état : Président général Pervez MUSHARRAF Chef du gouvernement : M. [...]
[...] Ce qui pose la question de la validité du fondement religieux de l'identité nationale. La place de la religion dans l'Etat est donc plus qu'ambiguë puisqu'elle est tout à la fois exhibée et instrumentalisée à des fins économiques et financières. Mais si elle est souhaitée par le pouvoir en place pour permettre la construction d'une identité stable, elle est mal comprise par une population qui, pour la première fois, a accordé aux partis islamistes plus de 10% à une élection. [...]
[...] Les débats concernant l'appellation du pays en tant que ‘République islamique du Pakistan' et le statut constitutionnel de l'Islam sont représentatifs de l'interaction entre religion et politique au Pakistan. Le nom d'un individu, d'un groupe ou d'un pays est le symbole le plus simple - et sans doute le plus fort - de son identité. Le nom évoque l'histoire passée et présente, et influence la manière dont les gens se voient ou sont vus par les autres. Le mot ‘Pakistan' est lui-même une construction artificielle. [...]
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