La citoyenneté désigne la qualité du citoyen, c'est-à-dire le membre d'un Etat considéré du point de vue de ses droits et de ses devoirs civils et politiques. Pour comprendre les spécificités de la citoyenneté française, il faut analyser les conditions et le contexte dans lesquels elle émergea au XIXe siècle, et en particulier la victoire du modèle républicain. En effet, la France est un pays où le mot République n'a pas seulement le sens factuel d'une forme d'organisation politique mais incarne de surcroît un système de valeurs et de principes. Durant la IIIe République, les Français sont arrivés à la conclusion que la République doit être englobante, faite pour tout le monde, elle incarne ainsi pour la plupart un signe de ralliement. (...)
[...] En effet, l'Eglise catholique ne cesse de revendiquer la production des normes et des croyances, refusant de la sorte de devenir une religion invisible De ces deux idéaux moraux, opposant le croyant-citoyen au citoyen-raisonnable découlent deux représentations concurrentes de la citoyenneté. B Une concurrence entre deux modèles de la citoyenneté : l'individualiste contre le communautaire. Ces deux idéaux moraux laissent place à deux représentations très différentes du citoyen, et donc à deux modèles antagoniques de la citoyenneté. Les républicains assignent à l'éducation morale et à l'instruction civique une mission décisive : former des citoyens capables de produire une opinion politique éclairée. Ainsi, durant la IIIe République, l'éducation de la démocratie devient le complément nécessaire au suffrage universel. [...]
[...] Le modèle républicain français tel qu'il existe aujourd'hui nous fait parfois occulter les conditions malaisées dans lesquelles il émergea durant la IIIe République, aussi une question se pose : quelle a été la dimension douloureuse et conflictuelle de l'émergence du modèle républicain français, et éventuellement quelles sont les implications de ces tensions dans l'évolution actuelle d'un tel modèle ? Pour cela, nous nous attacherons à analyser le projet politique de la IIIe République dans ses deux dimensions : l'émergence de la citoyenneté puis la mise en place d'une politique d'intégration de l'Etat-nation (II). I L'émergence du modèle républicain de citoyenneté face à la résistance des mentalités. [...]
[...] Pour comprendre le fondement de la contestation de la citoyenneté républicaine il faut entrevoir l'opposition philosophique qui en est l'origine. Dans ses fondements théoriques, l'idée républicaine trouve sa source dans la philosophie des Lumières, enrichie du Positivisme ainsi que de la tradition protestante libérale. Ce modèle fait émerger une nouvelle conception de la nature humaine fondée globalement sur le principe de l‘individualisme moral. La République tend ainsi à sacraliser l'individu, l'homme individuel, sentant, pensant, raisonnable et voulant apparaît au centre de cette conception. [...]
[...] Face à l'idéal républicain qui entend faire de l'électeur un être libre, désintéressé et éclairé, la morale catholique entend imposer l'image d'un citoyen qui reste le porte-parole de sa communauté d'appartenance religieuse L'Eglise ne cesse ainsi de revendiquer son influence religieuse sur la société et entend faire de ses croyants des citoyens dont le mandat est de servir les intérêts de Dieu La logique du vote catholique est donc de conserver une perspective de représentations des intérêts particuliers, et s'oppose en cela notamment à la logique universelle du vote républicain. Il s'agit ici d'un modèle de citoyenneté communautaire et religieux qui s'oppose pleinement au modèle républicain. Force est de constatée encore aujourd'hui une tension qui persiste dans la société entre le catholicisme et l'Etat. [...]
[...] L'illustration que donnent Gérard Noiriel et Michel Offerlé pour comprendre ce lien organique concerne la politique de protection du marché du travail mise en œuvre entre les années 1880 et 1930. En interdisant aux étrangers de travailler en France sans une autorisation officielle, l'Etat républicain s'est donné les moyens de réguler les flux migratoires, d'interdire l'entrée des immigrants sur son territoire en période de récession, de canaliser les flux vers les secteurs déficitaires. Etant donné la place centrale occupée par le clivage national-étranger dans le système républicain de discriminations, on comprend que la question de la nationalité française ait toujours été un enjeu de politique sensible. [...]
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