Berdaiev soulignait dans De l'esclavage et de la liberté de l'homme, que l'Etat totalitaire découle naturellement de l'Etat lui-même. Alors que l'idée de l'Etat semble à bien des égards un horizon indépassable, une littérature foisonnante s'est élevée contre ce qu'elle considérait comme un instrument de répression. Marxistes et libertaires ont théorisé la fin de l'Etat, avec des différences notables qui se sont traduit dans les faits. Les expériences révolutionnaires qui se sont multipliées à la fin du XIXe et au début du XXe ont esquissé les prémisses d'une société sans Etat, ou tout du moins administrée directement par les producteurs. On peut alors se demander comment la contestation radicale de l'Etat a pris forme, comment cette volonté a été traduite dans les faits, et pourquoi n'a-t-elle pas abouti ? C'est pourquoi nous verrons sur quelles bases théoriques s'est appuyée cette négation de la forme d'organisation étatique (I), avant d'étudier deux expériences anti-étatiques phares, qui ont eu des répercussions sur les théories elles-mêmes, la Commune de Paris en 1871 et l'autogestion catalane de 1936 (II).
[...] Instrument de domination sacralisé au fil des siècles, l'Etat doit être tout simplement aboli. La révolution sociale libertaire ne doit pas s'embarrasser d'un Etat transitoire, favorisant la bureaucratie, mais doit instaurer la propriété collective des moyens de production à travers l'association des travailleurs[7]. Les différentes fédérations devront ainsi s'associer librement, sans l'aide d'une autorité supérieure. Malgré leurs différends, marxistes et libertaires s'accordent pour voir, dans la Commune de Paris, l'aboutissement en partie de leurs idées. Peut-on alors penser une société sans Etat s'imposant de fait au-delà des conflits théoriques ? I. [...]
[...] Le pouvoir centralisé de l'Etat, avec ses organes, partout présents : armée permanente, police, bureaucratie, clergé et magistrature, organes façonnés selon un plan systématique et hiérarchique du travail date de l'époque de monarchie absolue, où il servait à la démocratie bourgeoise Marx, La guerre civile en France. Voir les Athénées Libertaires, véritables contre-sociétés à l'intérieur de la société. Confederación Nacional del Trabajo, principale centrale syndicale anarchiste. La position de la CNT n'est cependant pas claire, puisqu'ils entreront au sein d'un gouvernement d'union nationale. [...]
[...] Pour plus de détails, voir La philosophie de Marx, d'Etienne Balibar, éditions La Découverte. L'Etat n'est donc pas un pouvoir imposé du dehors à la société; il n'est pas d'avantage "la réalité de l'idée morale", "l'image et la réalité de la raison", comme le prétend Hegel. Il est bien plutôt un produit de la société à un stade déterminé de son développement; il est l'aveu que cette société s'empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s'étant scindée en oppositions inconciliables qu'elle est impuissante à conjurer. [...]
[...] Le prolétariat c'est-à-dire la classe sociale dépossédée de ses moyens de production armée et organisée a pour but de prendre l'appareil d'Etat[4] et de le retourner contre la classe dominante. Cette période de dictature du prolétariat[5] est une phase de transition afin d'arriver à l'abolition complète de l'Etat qui n'est plus nécessaire dans une société sans classes, les antagonismes de classe ayant été supprimés. Cette conception, Marx la modifiera au fil des expériences révolutionnaires, car il n'y a pas selon lui de moyen codifié pour aboutir à l'extinction de l'Etat[6]. [...]
[...] Instaurée en 1871, après la défaite des Français contre les Prussiens, la Commune veut rétablir la République en France. Face à une Assemblée Nationale composée majoritairement de personnages hostiles à la République (l'Assemblée Rurale), Paris à travers son Comité Central s'affranchit du pouvoir étatique. Pourquoi la Commune est-elle plus qu'une simple Révolution ? Les principaux acteurs sont issus de la classe ouvrière (comme Adolphe Assi certains ne sont pas Français (à l'instar de Dombrowski), et par dessus tout, aucun chef ne s'élève au dessus des autres. [...]
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