Incontestablement, la reconnaissance des droits de l'opposition n'était pas une priorité pour les pères fondateurs de la Ve République, dont le principal souci était bien au contraire d'asseoir le droit de la majorité dans une perspective de rationalisation. Il faut attendre la période post –gaullienne, et même l'élection de Valéry Giscard d'Estaing puis l'alternance de 1981 pour voir l'opposition s'insérer progressivement dans la vie politique et les institutions. L'absence de statut n'est pas un particularisme français, mais la plupart des démocraties connaissent une forme plus ou moins aboutie d'institutionnalisation et dotent la minorité parlementaire de droits, la Grande Bretagne incarnant une sorte d'idéal et d'achèvement démocratique en la matière.
La revendication d'un statut, toujours inexistant formellement, fût un des thèmes phare des années 70, avant de s'estomper dans les périodes suivantes : doit-on attribuer ce silence relatif à l'impact des progrès réalisés, ou au simple fait pratique que les avocats d'un renforcement des droits des formations adverses étaient devenus majoritaires à leur tour et ressentaient alors moins l'urgence et la nécessité d'une revalorisation ?
Nous nous intéresserons à cette évolution des relations houleuses entre majorité et minorité plus particulièrement au sein du Parlement qui en est le lieu privilégié puisque c'est ici que la politique gouvernementale est exprimée, délibérée, et le cas échant infléchie.
Pour ce faire, nous étudierons d'abord les aléas de la rationalisation du régime pour la tendance minoritaire, sachant que l'éclatement de l'opposition de gauche vient s'ajouter à cette absence d'intégration constitutionnelle dans les premières années du régime. Puis nous déterminerons la portée et les limites des avancées effectivement réalisées, tant par les réformes que par la pratique institutionnelle.
[...] L'opposition reçoit ainsi le pouvoir de provoquer le débat, à défaut d'avoir la certitude d'obtenir sa mise en place. L'application fût cependant décevante : il fallut attendre 1990 pour qu'un président de groupe d'opposition (Charles Millon, président du groupe UDG) décide d'utiliser ce droit de tirage. On voit donc quelles sont les réticences d'une opposition qui se réfugie parfois dans l'invocation de l'impuissance parlementaire et le manque de responsabilités. L'accroissement du rôle des questions : diversification et inflation Les innovations les plus sensibles de la fonction de contrôle relèvent de la procédure des questions, dont l'extension est inaugurée en 1974 à l'Assemblée nationale et en 1982 au Sénat par Valery Giscard d'Estaing, qui importe le système très répandu à l'étranger des questions au gouvernement. [...]
[...] En amont, l'opposition peut se servir de cette menace de manière à exercer ses droits indépendamment du bon vouloir circonstanciel de la majorité. De plus, l'intégration constitutionnelle se substitue à une culture de l'affrontement très présente en France et à une expression plus extrême de l'opposition dans la rue. B Extension et renouvellement des moyens de contrôle : une évolution vers plus de transparence Rares sont les initiatives liées aux droits de la minorité qui ont été prises dans le domaine législatif. [...]
[...] I une fonction régulatrice amputée par les constituants et un manque de structuration ont longtemps empêché l'opposition de présenter une alternative crédible A L'opposition en marge de la procédure législative : un gouvernement armé contre les éventuelles obstructions de la minorité Le 27 août 1958, dans le discours qu'il prononce au Conseil d'Etat, Michel Debré fait part de la volonté d'encadrer le parlementarisme de la République naissante par un certain nombre d'instruments constitutionnels rationalisant le régime. Les obstacles de l'impulsion législative La première fonction des opposants, à savoir la régulation de la procédure législative qui permet de proposer un programme de substitution, est mise à mal par la rationalisation. Le gouvernement et la majorité bénéficient d'une marge de manœuvre quasi illimitée dans la fixation de l'ordre du jour selon l'article 48. [...]
[...] Cette allocation budgétaire plus transparente assainit considérablement le système. Ces progrès effectués hors des assemblées ne gomment pas le fait que de nombreux changements sont encore envisageables dans plusieurs domaines : -le partage équitable des présidences de commission : calqué sur le modèle allemand, il permettrait de sortir un peu de la surenchère de la compétition pour utiliser au mieux la capacité d'expertise de chacun. - la possibilité d'exiger la création d'une commission d'enquête à parti d'un seuil minimal de parlementaires soutenant le projet -l'idée d'un président de l'opposition, à l'image du leader de l'opposition à sa majesté britannique, rémunéré sur fonds publics Ces réformes seraient bénéfiques dans la mesure où elles lutteraient contre un système dans lequel la victoire démocratique d'un camp signifie l'écrasement de l'autre. [...]
[...] Les amendements offrent à l'opposition une possibilité de participer à l'élaboration du contenu de la loi, dont ils sont trop souvent privés par l'obstacle de l'inscription à l'ordre du jour notamment. On note une véritable inflation des amendements depuis une dizaine d'années (plus de 100000 pour cette seule législature), dont les plus fantaisistes pour freiner la procédure. Mais dans les faits, l'opposition doit souvent travailler dans l'urgence et préparer des amendements peu constructifs, sans compter que ce droit d'amendement connaît certaines limites non pas quantitatives mais qualitatives via les irrecevabilités (rejettent automatiquement l'amendement). [...]
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