L'opinion publique existe-t-elle ? - publié le 06/03/2019

Thèmes abordés

opinion publique, Jean de Legge, République de Platon, les Lumières, James Gunn, Walter Lippmann, sondage, sondage d'opinion, IFOP institut français d'opinion publique, Bourdieu, John Locke

Résumé du document

En quoi l'usage du terme subjectif - opinion publique -, fait-il de ce concept un objet instrumentalisé par le pouvoir et manipulable ? Si tout d'abord nous montrons que c'est son abstraction théorique qui fait de l'opinion publique un concept difficile à définir, nous expliquerons par la suite l'importance des sondages dans la volonté de l'ancrer dans une réalité scientifique. Enfin, nous aborderons les critiques nombreuses à leur propos, puisqu'ils sont accusés de créer artificiellement l'opinion publique et de la manipuler, sans révéler la réalité des tensions de la société.

Extraits

[...] Emmanuel Kessler explique : « beaucoup plus qu'un étalon des intentions de vote, qu'une information destinée au citoyen, le sondage est en effet, pour chaque candidat, un outil de construction d'une image et d'une crédibilité dans l'opinion. » Le seul but de certains candidats est de dépasser les dans les sondages, par tous les moyens possibles, même sans vrais électeurs derrière, car c'est une forme de seuil psychologique à partir duquel le candidat s'impose dans les médias. L'opinion publique est donc créée de toutes pièces par les sondages, qui ne sont qu'un outil supplémentaire utilisé par le pouvoir, qui manipule ainsi les citoyens. Comme l'explique Patrick Champagne, qui s'inspire notamment de Bourdieu, dans son livre : Faire l'opinion, le nouveau jeu politique : « Les politologues prétendent faire progresser la démocratie et rappellent que les instituts de sondages n'existent pas dans les régimes totalitaires. [...]

[...] Pour certains sociologues (comme Alain Lancelot) : avoir recours aux sondages, et plus largement l'opinion, contribue au renforcement du caractère démocratique du régime représentatif. Le sondage est donc utilisé comme un outil statistique objectif : un gage démocratique en même temps qu'il est révélateur de l'opinion publique Les sondages permettent de légitimer l'opinion publique en la rationalisant James Gunn cité en début de partie, Georges Gallup, Hadley Cantril (pionniers des sondages) : « l'opinion publique n'est autre que ce que mesurent les sondages » : somme des opinions individuelles majoritaires. L'opinion publique est donc réelle puisque mesurable et mesurée. [...]

[...] Une réalité scientifique qui peut, à défaut de la définir avec des mots, la distinguer du reste et la mettre en lumière avec des chiffres . Jusqu'à ce que l'apparition des sondages l'ancre dans une réalité scientifique et politique. « L'acte de vote a pu donner à l'opinion publique sa signification moderne, mais c'est la recherche par sondages qui a révolutionné la manière d'en parler. L'opinion publique est devenue ce que mesurent les sondages. Comme on l'a dit par plaisanterie, si l'on a encore besoin d'élections, c'est simplement pour confirmer la précision des sondages ». [...]

[...] Un exemple, tiré de l'émission envoyée spéciale, qui illustre particulièrement bien ce biais est celui du sondage sur l'euthanasie, présenté au Cirque d'hiver en mars 2018 : toute une conférence a eu lieu à partir du résultat de ce sondage. Un résultat d'ailleurs impressionnant puisqu'il présente un quasi-consensus sur la question de la fin de vie, question pourtant extrêmement controversée. D'après le sondage des Français seraient favorables à une nouvelle loi sur l'euthanasie. Il a été commandé par Jean-Luc Romero, président d'une association en faveur de l'euthanasie. [...]

[...] Cependant, on peut se demander si cela ne la rend plus sensible aux manipulations. III/ Des sondages cependant critiqués puisqu'ils créent l'opinion publique plus qu'il ne la révèle La preuve de l'existence de l'opinion publique ne réside pas dans les sondages Dans son exposé de janvier 1972 intitulé « L'opinion publique n'existe pas », Pierre Bourdieu estime que les sondages sont même incapables de mesurer l'opinion, car ils se fondent sur trois postulats, tous faux et réfutés par le sociologue. En effet, les sondages proposés supposent que la production d'opinion est à portée de tous que chaque opinion serait équivalente donc aurait le même poids dans le débat public et qu'il y aurait un consensus quant aux questions préoccupant l'opinion publique. [...]