L'Œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers a été fondée le 23 décembre 1871 à Paris avec pour principales figures Albert de Mun, grand député de la IIIème République qui participa de presque toutes les lois sociales, René de La Tour du Pin, qui servit avec lui lors de la guerre franco-prussienne et fut son compagnon de captivité et Maurice Maignen, fondateur des Cercles des jeunes ouvriers. Une œuvre est « action humaine répondant au dessein de Dieu : l'homme peut, par ses œuvres et avec la grâce de Dieu, participer à son propre salut.» (G. Cholvy). Mesurant le fossé qui sépare une élite ouvrière du libéralisme économique, ils fondent les Cercles catholiques d'ouvriers ainsi que la revue l'Association catholique en 1881. Ils préconisent l'union des classes sous la forme de la corporation. L'œuvre compte 375 cercles en 1878, 37 500 ouvriers et 7 600 membres des classes dirigeantes. Elle s'appuie sur une base ouvrière et est fondée sur un principe éminemment hiérarchique. Elle délivrait même un « livret-diplôme ». Dans ces cercles, se rencontraient des représentants de la classe dirigeante : industriels, notables, officiers de l'armée ainsi que des ouvriers, le but étant d'aboutir à une meilleure compréhension entre les classes sociales avec le souci chrétien d'apporter son aide aux classes défavorisées. On est loin du concept de charité, ces cercles sont la prise de conscience d'une injustice sociale flagrante dans la France de la fin du XIXème siècle : humiliée par la défaite face à la Prusse, déchirée : les événements de la Commune rappelant la dichotomie possédants / travailleurs ouvriers. De plus la religion ne constitue plus un point de repère, le rationalisme et le positivisme éloigne les masses de la Foi, le socialisme semble leur seul refuge. C'est pourquoi les Cercles se posaient en une alternative, le catholicisme social était né et trouvait là son expression.
Près de cent ans après la Révolution, au moment où la France retrouve le chemin de la République, où les ouvriers se regroupe dans un contexte de montée du socialisme et de reconnaissance du droit de grève en 1864, nous pouvons légitimement poser la question suivante : L'Œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers apportait-elle une réponse adaptée à la dégradation des liens sociaux et au recul du sentiment religieux ?
C'est sans doute négativement qu'il faut envisager une réponse à cette question, nous verrons d'abord que si la fondation de l'Œuvre répond à un contexte de misère sociale par, dans un second temps, le « dévouement de la classe dirigeante à la classe populaire », finalement, elle ne permet pas l'autonomie des ouvriers en son sein, s'attire la méfiance de l'Église et du gouvernement et succombera de ses querelles internes.
[...] La Semaine Sanglante qui met fin à la Commune révèle la véritable situation de la société française et a montré le gouffre qui séparait la bourgeoisie du monde ouvrier La fin tragique de la Commune écrasée dans le feu et le sang lors de la Semaine Sanglante horrifia Albert de Mun il y consacre un important passage dans son ouvrage Ma vocation sociale, souvenir de la fondation de l'œuvre des cercles catholiques d'ouvriers, en particulier lorsqu'il vit le peuple aisé de Paris applaudir et se réjouir de l'anéantissement de la Commune, il sut que nul ne se comprenait plus. Ce coup brutal avait levé le voile dissimulant la véritable situation de la société française et a montré le gouffre qui séparait la bourgeoisie du monde ouvrier. Mun et La Tour du Pin décidèrent alors de les réconcilier et fondèrent l'Œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers. II/ . [...]
[...] Des lieux de cultes, paroisses, clercs, des évêques administrateurs, le comité général de l'œuvre faisaient office de Curie, le secrétaire général de l'œuvre faisait office de pape ; ses sacrements : le livret-diplôme. Elle semblait donc une société parallèle à l'intérieur de la société ecclésiale. Elle visait à l'intégration en son sein de toutes les autres œuvres catholiques. A Paris, un comité central dirigeait les nouvelles fondations et rassemblait organiquement les différents membres du mouvement. Diriger l'action de l'œuvre, la propager, d'en maintenir l'esprit et d'en sauvegarder l'unité Les comités locaux étaient placés en dépendance au comité central et y étaient reliés par le Secrétariat général. [...]
[...] Rétablir le dialogue et apaiser les violences entre les classes dirigeantes et populaires L'Œuvre des Cercles était un lieu de rencontre de tous les hommes de bonne volonté des classes dirigeantes et des classes populaires. Pour qu'il n'y ait plus d'ignorance de part et d'autre. Ce peuple nous ignore comme vous l'ignorez avait déclaré Maurice Maignen. Les hommes des classes privilégiées ont des devoirs à remplir vis-à-vis des ouvriers, leurs frères (1er manifeste de l'œuvre des cercles). Il s'agissait d'établir une collaboration sincère entre les représentants des différentes classes et non un patronage des classes dirigeantes sur les classes dirigées (du moins à l'origine). [...]
[...] Comparé à des fondations similaires en Allemagne ou en Belgique, le nombre d'adhérents est relativement bas. Autour d'Albert de Mun, beaucoup ne renonçaient pas à jouer le rôle de protecteurs, à mettre les conseils ouvriers en tutelle, à user avec eux de procédés bons pour des écoliers de patronage. Albert de Mun n'osa pas leur faire obstacle. De là l'échec final de l'œuvre. Eugène Flornoy, collaborateur de Mun : Là est le désastre de notre Œuvre, écrivait-il, dû non pas à la thèse initiale, mais à la sottise de ses disciples Le mouvement n'est pas suivi correctement par sa hiérarchie, d'où son échec. [...]
[...] En à peine 20ans, l'Œuvre a perdu toute sa vigueur. B. Surveillée par l'Église, houspillée par le gouvernement et dépassée par la démocratie chrétienne, l'Œuvre périclite Le clergé se méfie d'une œuvre extraparoissiale dirigée par des laïcs. Il y voyait une organisation supracléricale et supradiocésaine. D'autre part à partir de 1882, les énergies et les ressources financières sont transférées sur l'école libre. Mun et La Tour du Pin se reposèrent au début sur l'aide de l'État, mais la victoire des républicains mit fin à l'ordre moral à partir de 1880, le gouvernement se prit à agir contre l'œuvre, sous prétexte qu'il y voyait un foyer d'agissements contre-révolutionnaires ; ce qui n'était pas tout a fait faux vu les conceptions du doctrinaire La Tour du Pin. [...]
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