« Les Occidentaux -Roums, Francs, infidèles, croisés, colonisateurs, etc.-, continuent de travailler l'imaginaire et les représentations des sociétés de leur Sud », tel est le constat dressé par le directeur de recherche au CNRS Alain Roussillon qui met en évidence l'existence de deux groupes (l'Occident, le Sud) et la question des perceptions. Dans cette optique, les interrogations sont multiples et diverses. Relatives tout d'abord à la définition de ces deux groupes, elles concernent ensuite la nature des interactions qui les lient. En effet, est-il légitime de définir l'Occident comme un espace homogène, cohérent et géographiquement délimité ? Qu'est-ce donc que l'Orient par opposition ? Le choix des mots n'est pas anodin et les concepts parfois difficiles à cerner. Une fois que ces premières difficultés sont dépassées, certains problèmes persistent: de quelle nature sont les relations existant entre Occident et Orient ? S'agit-il d'une opposition conflictuelle ou d'une coopération ? Et si coopération il y a, de quel type est-elle et pour quels motifs est-elle mise en oeuvre ? Par ailleurs d'autres aspects, en rapport avec la notion de la perception, sont inhérents à une telle problématique. Il convient en effet de s'intéresser à l'image de l'Occident telle qu'elle est perçue par le Moyen-Orient . Mais une fois que l'espace géographique a été subjectivement délimité (par l'Afrique du Nord à l'ouest, la Turquie au nord, l'Iran à l'est et la péninsule arabique au sud), il reste à savoir si l'on s'intéresse aux perceptions des populations, des élites ou des gouvernements; celles-ci peuvent en effet grandement diverger. C'est toute la difficulté, et l'intérêt de ce sujet, que d'essayer de comprendre un peu mieux la vision toute subjective que l'on peut avoir de l'Autre.
[...] Pourtant, c'est leur proximité et leurs interactions nombreuses qui permettent de mieux comprendre la perception de l'Occident vu du Moyen- Orient L'Occident haï L'Occident, l'ennemi historique La perception de l'Occident par le Moyen-Orient est souvent celle d'un meilleur ennemi Deux évènements sont structurants de cette vision d'un Occident abhorré : il s'agit des croisades et de la colonisation. En 1099, le cadi de Damas, al-Harawi arrive à Bagdad et fait le constat de l'inaction du peuple musulman. Jamais les musulmans n'ont été humiliés de la sorte, jamais auparavant leurs contrées n'ont été aussi sauvagement dévastées tels sont ses propos que rapporte l'écrivain Amin Maalouf. Son ouvrage intitulé Les croisades vues par les arabes décrit l'évolution des perceptions de l'Occident par le Moyen-Orient pendant et après les croisades. [...]
[...] Toutefois, il paraît difficile de prétendre à l'objectivité dans l'analyse quand on est soi-même biaisé par notre appartenance à l'un des deux groupes étudiés et que l'on est censé observer les perceptions de l'Autre sur Soi. Cf. NEMO Philippe, Qu'est-ce que l'Occident PUF, Quadrige Essais Débats p Cf. NEMO Philippe, Qu'est-ce que l'Occident PUF, Quadrige Essais Débats p Cf. MAALOUF Amin, Les croisades vues par les Arabes, J.C. Lattès Histoire p Cf. MAALOUF Amin, Les croisades vues par les Arabes, J.C. Lattès Histoire p Cf. [...]
[...] ou historique ? L'Occident peut par ailleurs être perçu comme une construction historique, une succession d'étapes qui a donné une culture et des valeurs communes aux membres de la civilisation occidentale. Ainsi, Philippe Nemo met en exergue cinq évènements essentiels qui ont structuré la morphogenèse culturelle de l'Occident : Le miracle grec a donné naissance à la Cité et avec elle à l'espace public (alliant parole et raison); c'est l'apparition de la politique au sens moderne. Les objectifs sont clairs (égalité des citoyens, liberté sous la loi) et des moyens promus pour y parvenir (école, science). [...]
[...] L'Occident, un modèle inspirateur Seule la méconnaissance de l'Autre explique les antagonismes précédemment mis en exergue, mais les échanges et interactions ont permis à toute époque de rapprocher Occident et Moyen-Orient. Les élites intellectuelles, dans un premier temps, furent le vecteur d'une certaine admiration pour la culture occidentale. Ainsi, dans le compte rendu de son voyage en France effectué en 1826, l'Égyptien Rifâ'a al- Tahtâwî parle bien d'impies, mais pour leur reconnaître une société supérieure en bien des aspects à la société musulmane et en tout cas beaucoup plus prospère. [...]
[...] Une version des croisades vues par les Orientaux qui s'opposent à la Chrétienté : cet ouvrage permet d'analyser un événement historique structurant des perceptions de l'Occident par le Moyen-Orient et de mieux comprendre l'antagonisme qui oppose ces deux civilisations. Revenir sur le passé autorise à porter un nouveau regard sur le présent. NEMO Philippe, Qu'est-ce que l'Occident PUF, Quadrige Essais Débats p. L'auteur soutient une définition très culturaliste de l'Occident et se rapproche de la vision civilisationnelle développée par Samuel Huntington dans sa thèse du choc des civilisations (cf. op. cit. p il peut, certes, y avoir un choc des civilisations Cinq vecteurs sont ceux d'une identité occidentale très spécifique (cf. [...]
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