L'obstruction parlementaire, de l'anglais filibustering, est une technique parlementaire visant à retarder le plus possible l'adoption d'une loi durant les délibérations de la Chambre, à l'aide de moyens qui se doivent d'être légaux.
L'origine sémantique de ce terme nous vient des Etats-Unis en 1851, où il désignait à l'époque des aventuriers américains cherchant à renverser les gouvernements d'Amériques centrales, des "flibustiers", puisque c'est le nom qui en a été dérivé en français. Il s'est ensuite progressivement déplacé vers la sphère politique et fut utilisé en 1953 pour qualifier l'action qu'entreprit le sénateur Wayne Morse. Ce dernier tenta d'empêcher l'adoption d'une loi pétrolière par un interminable discours de 22 heures et 26 minutes. Le speaker, c'est-à-dire le président du Sénat Américain, n'ayant pas le droit d'interrompre un sénateur durant un discours, Mr Morse a accaparé son droit à la parole le plus longtemps possible par la lecture du bottin - lecture ô combien intéressante bien que très rarement entreprise – et ce jusqu'à s'écrouler d'épuisement. Ce fameux épisode de la vie politique a même donné lieu à une adaptation cinématographique qu'est le film Monsieur Smith au Sénat.
[...] Mais on atteint aujourd'hui un paroxysme de l'obstruction parlementaire, et nombreux sont ceux qui en dénoncent les dérives. Cela fut particulièrement visible lors de l'examen à l'Assemblée Nationale du projet de loi relatif au secteur de l'énergie - concernant la privatisation de Gaz de France où pas moins de amendements ont été déposés. Au delà des aberrations strictement financières le coût de duplication de chacun de ces amendements aux 577 députés a été estimé à quelques euros Jean Louis Debré estimait qu'il eu fallut 5 mois à l'Assemblée nationale siégeant 24 heures sur 24 pour examiner chacun des amendements. [...]
[...] Nier le droit à l'obstruction parlementaire serait nier un droit fondamental de l'opposition. Il reste néanmoins sujet à de nombreuses dérives et beaucoup le considèrent comme une menace pour le bon fonctionnement de la démocratie représentative, car les projets bloqués sont ceux des représentants de la majorité que le peuple a élus pour le gouverner. Finalement, constatant que la pratique institutionnelle a fait apparaitre cette nouvelle technique parlementaire en France, il faudrait dès lors réfléchir à l'encadrer, la règlementer, en vue d'en arriver à une utilisation plus saine, à l'instar de ce qui se pratique aux Etats-Unis Bibliographie - L'obstruction parlementaire, un jeu à double tranchant, article paru dans Les Echos, daté du 7 septembre 2006. [...]
[...] L'autre solution est le vote bloqué de l'article 44 alinéa le gouvernement pouvant demander à l'Assemblée nationale de se prononcer sur tout ou partie du texte en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui-même. Mais cela comporte le risque d'être interprété comme une négation de l'opposition. Ce processus d'obstruction parlementaire est ainsi très complexe, les acteurs en jeu ayant tendance à faire primer des considérations politiques sur la logique parlementaire. Tout n'est pas noir cependant, car dans l'affaire Gaz de France, le manque de soutien de la part de la population a poussé l'opposition à retirer unilatéralement tous ses amendements afin de permettre la procédure normale du vote. [...]
[...] Cette pratique a démarré dans les années 80, dopée par le progrès des technologies. Il existe effectivement deux méthodes principales : celle dite du "cocotier", qu'utilise le PS, et qui consiste à décliner une même proposition en un maximum d'amendements ne comportant chaque fois qu'un détail différent. Par exemple, un premier amendement indique que la part de l'Etat dans le capital de Gaz de France soit de plus de puis un deuxième amendement de plus de etc. Cette technique n'est rendue possible que par un usage intensif du "copier/coller" par ordinateur. [...]
[...] En effet, une modification constitutionnelle requérant la majorité des deux tiers des sénateurs, une tentative d'obstruction parlementaire se verrait automatiquement opposer une motion de clôture qui ne requiert que les trois cinquièmes (un peu de mathématiques s'avère ici nécessaire : 2/3=10/15 > 3/5=9/15). En tous les cas, le filibustering a le vent en poupe, et sa pratique n'a de cesse d'augmenter. En témoignent les quelque 70 procédures de clôture recensée pour la première session du Congrès en 2007, tandis qu'aucune session n'en connaissait plus de 7 dans les années 60. [...]
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