Alors que nombre de pays européens ont choisi la voie de la sécularisation, c'est-à-dire l'organisation des rapports entre le politique et le religieux afin d'assurer leur indépendance mutuelle, la France a, depuis longtemps déjà, préféré leur séparation pure et simple. Clé de voûte de la transformation des rapports entre l'Eglise et l'Etat, la laïcité – selon laquelle l'organisation de la société repose sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat - est le fruit d'un long processus historique et a véritablement fait ses premiers pas avec l'adoption de la loi du 9 décembre 1905 définissant le régime juridique des relations entre l'Etat et les cultes. Le principe de laïcité inscrit dans la Constitution constitue aujourd'hui un fondement de la république française. Elle trouve sa principale expression dans l'enseignement, mais se traduit aussi par un encadrement des relations financières entre les collectivités publiques et les religions et par le principe de neutralité des services publics.
La laïcité est un concept loin d'être univoque, c'est selon Jean Rivero un « mot qui sent la poudre », et elle redevient régulièrement le terrain d'affrontements plus ou moins violents. En effet, l'application du principe de laïcité fait cependant aujourd'hui l'objet d'interrogations dans le monde du travail, dans les services publics et surtout à l'école, où elle se heurte à des difficultés nouvelles, tiraillée entre l'exigence de neutralité du service public d'une part, et le respect de la liberté religieuse et de la liberté d'expression d'autre part, dans la mesure où le cantonnement du religieux à la stricte sphère privée est de plus en plus critiqué.
Comment en effet faire cohabiter norme étatique qui suppose une indépendance de la société civile à l'égard des institutions religieuses et la neutralité de l'Etat en matière spirituelle, et norme religieuse qui impose à sa manière ce qu'il convient d'appeler des « obligations religieuses » (cela va, selon les cas, du kirpan sikhs au fameux foulard islamique). La question des signes religieux dans la sphère publique provoque régulièrement de vastes débats sur la portée de la liberté de religion. « La difficulté de la traduction juridique du principe de laïcité » selon Bernard Stasi dans son rapport, s'explique par la tension entre ces pôles nullement incompatibles mais potentiellement contradictoires que sont la neutralité laïque et la liberté religieuse »
Comment s'effectue la mise en balance entre le droit à la liberté de religion et plus précisément d'expression de la religion et les menaces possibles à la sécurité et à l'ordre public ?
La conception française de la distinction droit religieux /droit étatique (laïcité) est-elle un bon moyen de lutter contre un prosélytisme religieux qui menacerait un ordre public et l'identité républicaine et laïque de l'Etat français?
Nous verrons donc dans un premier temps en quoi la laïcité est un principe d'organisation de l'Etat qui repose sur la double exigence de la neutralité et du respect de la liberté de conscience, et dans un second temps, nous examinerons la remise en cause de l'interprétation libérale du concept de laïcité par l'adoption de la loi du 15 mars 2004.
[...] En effet, présentée par le CC comme le corollaire du principe d'égalité la neutralité interdit que le service public soit assuré de manière différenciée en fonction des convictions politiques ou religieuses de son personnel comme de ses usagers. L'article 2 de la Constitution de 1958 impose à la République d'assurer «l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion L'Etat laïque ne doit donc pas attacher aux options métaphysiques des individus des conséquences discriminatoires quant à l'admission aux emplois publics. [...]
[...] Issu d'une tradition religieuse peu ancrée dans la société française, le port du voile islamique a provoqué une crise d'identité culturelle, laquelle a eu le mérite de permettre de renforcer les principes de laïcité à plusieurs égards. Pourtant, malgré les efforts pour préciser les conditions de manifestations de la liberté religieuse, la loi de 2004 n'a pas apporté de majeure clarification et le problème juridique des manifestations de la foi religieuse reste non résolu. Bibliographie Ouvrages - HAARSCHER Guy, La laïcité, QSJ - STASI Bernard (Commission présidée par), Laïcité et République Rapport de la Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République remis au président de la République le 11 décembre 2003, La Documentation française - COLLIARD Claude-Albert, LETTERON Roseline, Libertés publiques, Dalloz coll. [...]
[...] De même l'article 1er de la Constitution de 1946 affirmait déjà que la France était une république laïque et l'article 2 de la Constitution de 1958 reprend et complète cette formule : la France est une république laïque qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion On retrouve cette idée d'égalité devant la loi dans l'article 10 de la DDHC de 1789 qui stipule que nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses la garantie par l'Etat de la liberté de chacun d'exercer sa religion implique une application pragmatique du principe de laïcité En effet, la loi de 1905 assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. Cette garantie impose que la séparation instaurée ne soit pas synonyme de réduction de l'expression collective de la vie religieuse et a supposé des aménagements dans le régime juridique établit par la loi de 1905 : la séparation entre Eglise et Etat n'est donc pas absolue. L'Eglise a toujours des liens avec l'Etat : En Alsace-Moselle le régime concordataire demeure, héritage de l'occupation allemande de ces provinces entre 1870 et 1918. [...]
[...] Le CE a décidé dans son avis au contentieux du 3 mai 2000 Melle Marteau que les usagers ont le droit d'exprimer leurs convictions religieuses même dans les locaux d'un service public, dans les limites inhérentes au bon fonctionnement du service public, et à condition de ne pas troubler l'ordre public. - la question de la place qu'il faut-il faire à l'expression des convictions religieuses de chaque français dans la sphère publique reste donc centrale. En effet, le principe de neutralité a permis de passer d'une conception militante à une conception plus libérale, développée par la CE. [...]
[...] Considérée par la Cour comme essentielle, la liberté de religion n'en a pas moins deux facettes qu'il convient de distinguer. En ce qui concerne ce qu'appelle Julie Brau le for intérieur (adhérer ou non à une religion, en changer ou l'abandonner), la liberté est absolue et inconditionnelle : l'étendue de la protection est ici maximale. En revanche, ce qui relève du for extérieur (toujours Julie Brau), notamment l'extériorisation publique d'une appartenance religieuse, est susceptible de faire l'objet de restrictions dans le respect des critères fixés à l'article 9 2 de la Convention qui stipule que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité juridique, à la protection de l'ordre, de la santé ou la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui Ainsi, sur le plan du for extérieur, une ingérence des pouvoirs publics est possible sous plusieurs conditions. [...]
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