Une nouvelle éthique de l'entreprise ?

Résumé du document

Depuis une vingtaine d'années, le thème de l'étique de l'entreprise (ou éthique des affaires) a fait une percée remarquable sur la scène publique, d'abord aux Etats-Unis dès les années 1980 puis plus récemment en Europe. Ainsi, de nombreux articles, ouvrages, conférences et réflexions éthiques relatives au monde des affaires ont vu le jour, les « consultants en éthique » se multiplient, et nombre d'universités et d'écoles de commerce offrent des cours d'éthique des affaires à leurs étudiants. Il semblerait donc que le monde entrepreneurial soit à la recherche d'une spiritualité nouvelle.
Cependant, cette poussée de fièvre éthique liée à la modernisation néolibérale suscite des jugements contradictoires : Peter Drucker, un théoricien américain du management estime par exemple qu'il ne s'agit que d'un phénomène chic créé par les media. Derrière cette mode inédite et les nombreux discours marketing des entreprises, on peut en effet s'interroger sur la réalité de la vie en entreprise afin de voir si de nouvelles valeurs y sont réellement appliquées.
Il s'agira ainsi de comprendre les raisons de cette montée de l'exigence des valeurs dans le monde économique et de déterminer s'il ne s'agit que d'un engouement passager réservé à quelques entreprises prospères ou bien s'il s'agit réellement d'un impératif de l'entreprise libérale. Nous serons alors amenés à mettre en valeur une réalité entrepreneuriale bien éloignée de la nouvelle éthique. L'enjeu consistera finalement à rechercher les conditions qui peuvent éviter les dérives de cette nouvelle tendance.

Extraits

[...] Ballet et F. de Bry, L'entreprise et l'éthique, Seuil Introduction Depuis une vingtaine d'années, le thème de l'étique de l'entreprise (ou éthique des affaires) a fait une percée remarquable sur la scène publique, d'abord aux Etats-Unis dès les années 1980 puis plus récemment en Europe. Ainsi, de nombreux articles, ouvrages, conférences et réflexions éthiques relatives au monde des affaires ont vu le jour, les consultants en éthique se multiplient, et nombre d'universités et d'écoles de commerce offrent des cours d'éthique des affaires à leurs étudiants. [...]

[...] Transition : Les discours de l'éthique des affaires donnent donc l'image d'entreprises autonomes responsables homogènes consensuelles, mais la réalité vécue par les salariés est bien plus dure. Mais il ne faut pas pour autant en conclure que cette montée de l'exigence des valeurs dans le monde économique n'est qu'une mode passagère. L'enjeu consiste donc finalement à rechercher les conditions qui peuvent éviter les dérives de cette nouvelle tendance. III. Finalement, comment éviter les dérives de cette nouvelle tendance ? A. [...]

[...] Vers une éthique de la responsabilité en entreprise ? Enfin, si cette modernisation de l'entreprise doit se poursuivre, comment faire pour éviter les dérives de l'instrumentalisation de l'éthique face à l'érosion du système de protection sociale ? JP Le Goff met en avant le fait que la difficulté de combattre ces dérives relève de la nature même cette tendance, car son discours lisse n'offre pas de prise. Comment, peut-on se révolter contre la modernité, l'autonomie, la transparence et la convivialité ? [...]

[...] On parle ainsi maintenant de profit de respectabilité B. Une déshumanisation du travail et un management paradoxal qui responsabilisent De plus, les nouvelles pratiques de management rendent en réalité la vie en entreprise beaucoup plus dure. Il existe une évaluation des compétences constante par des outils d'analyse et une déshumanisation du travail. En fait, afin de l'évaluer et d'en améliorer les performances, le travail humain est appréhendé en termes de mécanismes et de comportements élémentaires que l'on décompose en vue d'objectifs à atteindre et perd ainsi ce qui lui donne sa dimension familière et humaine. [...]

[...] Une nouvelle éthique de l'entreprise ? A l'âge postmoraliste, l'éthique ne peut être pure ; de même qu'elle se conjugue avec la séduction et l'efficacité, de même requiert-elle le souci social et économique. G. Lipovetsky in Le crépuscule du devoir I. L'éthique de l'entreprise semble être une tendance en plein essor qui transformerait les pratiques du monde entrepreneurial en y instituant des valeurs morales nouvelles A. Une rélégitimation de l'entreprise : de business is business à ethics is good business B. [...]