Le 18 mai 2007 est créé, à l'instigation du président de la République Française Nicolas Sarkozy, le Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire » occupé successivement par Brice Hortefeux et depuis le 15 janvier 2009 par Éric Besson. Ayant toujours été l'objet de la polémique, le ministère fait une fois de plus les gros titres avec la création, par Éric Besson, d'un "grand débat autour de l'identité nationale".
Or, pour Gérard Noiriel, il n'existe aucune définition de l' "identité nationale" qui soit acceptée par l'ensemble des chercheurs. En effet, ce n'est pas un concept scientifique, c'est une expression qui appartient au langage politique. L'"identité" est ce qui fait qu'une chose est exactement de même nature qu'une autre. C'est aussi le caractère permanent et fondamental de quelqu'un, d'un groupe. Enfin, l' identité est l'ensemble des données de fait et de droit (date et lieu de naissance, nom, prénom, filiation) qui permettent d'identifier quelqu'un.
Quant à la nation, Marcel Mauss la définit comme une "société matériellement et moralement intégrée, à pouvoir central stable, permanent à frontières déterminées, à relative unité morale, mentale et culturelle des habitants". Ce qui gêne tant l'opinion à l'heure actuelle, c'est le rapprochement entre "immigration" et "identité nationale", incarné dans le ministère instauré par Sarkozy.
Pour Vincent Duclert, "cela signifierait que les éléments extérieurs à la nation (c'est à dire les étrangers) seraient opposés à une donnée anhistorique, détachée de tout contexte. La référence à la nation balaie ainsi les clivages politiques (de Jean Jaurès à Guy Mocquet) tout en relativisant le patrimoine républicain."
[...] Mais l'on peut remonter un peu plus loin pour dresser une histoire du concept. En effet, De Gaulle, lors du Discours de Rennes le 27 juillet 1947 entend l'« identité nationale au sens d'« unité nationale La volonté commune d'être Français et de rester Français Cette notion doit s'entendre dans un contexte de sortie de Deuxième Guerre mondiale, moment où la France fait face à la réalité de l'attentisme et de la collaboration. Commence alors l'épuration sauvage des collaborateurs, traîtres à leur patrie. [...]
[...] Au même moment, le Front national, émerge sur la scène politique et il ne faut pas y voir ici une simple coïncidence. ( aux cantonales de 1982 à Dreux, envolée lors des élections européennes de sièges à l'Assemblée en 1986.) Et si la notion d'« identité nationale n'était en fait qu'une expression inventée de toutes pièces par les politiques afin de capter un certain électorat ? Ne peut-on point considérer qu'à l'heure actuelle, l'« identité nationale est une notion dépassée ? I. [...]
[...] Au Moyen-âge, l'« identité nationale si l'on se permet un anachronisme, était quelque chose d'imposé. En effet, sous la monarchie, l'allégeance au Roi et la religion commune maintenaient la cohésion du pays, sans que le sujet n'éprouve de sentiment d'appartenance au royaume. Or, Jean Daniel explique dans Voyage au bout de la Nation qu'« À partir de la révolution, en passant de la souveraineté de Dieu à la souveraineté du peuple, on a libéré l'individu de son groupe et on a donné au nouveau citoyen la possibilité de choisir son sentiment d'appartenance. [...]
[...] Le débat en filigrane oppose clairement l'« identité nationale à ce que Gérard Noiriel, dans A quoi sert l'identité nationale ? 2007 appelle les identités collectives dominées Ces identités collectives dominées revivraient, selon Noiriel, dans les discours xénophobes du Front national, la lutte contre les communautarismes, la défense de la laïcité républicaine contre les envahisseurs dans la crise des banlieues, etc. Dans son ouvrage, Noiriel explique que : le mot communautarisme» s'est rapidement imposé pour nommer la nouvelle menace. [ ] Les musulmans sont ainsi apparus comme de nouveaux barbares, qui passent leurs journées à s'entretuer, fomentent des attentats terroristes, brûlent des voitures, dirigent le trafic de drogues, imposent le foulard islamique à leurs sœurs et violent les autres filles des cités. [...]
[...] L'historienne Anne-Marie Thiesse explique que C'est aux États- Unis, dans les années 1960, que des sociologues comme Erving Goffman ont commencé à appliquer la notion d'identité à des groupes. Les premiers à se l'approprier furent les femmes et les Noirs, c'est-à-dire des groupes victimes de discriminations pour lesquels l'affirmation d'une identité était une façon de retourner le “stigmate” qui les différenciait en en faisant un élément de fierté ( ) C'est quand il se sent menacé qu'un groupe éprouve la nécessité de radicaliser sa différence par rapport aux autres. L'identité d'un groupe naît donc d'un sentiment de vulnérabilité, de peur, d'affirmation de sa différence. [...]
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