Le concept d'action collective présente une singularité sémantique remarquable. Désignant un effort concerté d'un groupe d'individus en vue d'atteindre certains objectifs dans un environnement donné, l'action collective met en exergue la dimension irréductiblement intersubjective de toute organisation sociale. En effet, une action n'est pas déclarée collective uniquement sur la base d'un engagement physique ou d'une participation directe de tous les membres d'une collectivité (organisation), mais plutôt si elle peut être menée au nom de celle-ci ; c'est-à-dire si ces derniers se retrouvent (ou retrouvent leur intérêt) dans cette action et la reconnaissent légitime. C'est la logique de la partie représentant le tout.
A ce titre, l'épineuse question que doit résoudre toute réflexion sur l'action collective est de savoir comment réconcilier tous les membres d'une organisation dans la définition des bénéfices d'une action, ou plutôt comment concevoir une institution, qui bien que produisant des effets contraignant pour tous, soit acceptée, parce que agissant dans l'intérêt commun de tous ? Cette tendance fonctionnaliste du design institutionnel est largement prégnante dans les théories de l'action collective qui conçoivent les institutions comme des solutions à des problèmes organisationnels.
La gestion des ressources naturelles est un problème patent d'action collective. En effet, la particularité de ces biens « qui se divisent en se partageant » (Calame, 2003 :227) est que leur quantité ne dépend pas de la volonté ni de l'ingéniosité humaine. De plus, bien que accessibles à tous, ils n'existent pas en quantité infinie et sont donc sujets à dégradation ou diminution (Hardin cité par Ostrom, 1991 : 6). D'où l'impératif d'une organisation de leur utilisation par un groupe, a fortiori, lorsque l'existence même du groupe est liée à celle de ces ressources.
L'économie de l'ingénierie institutionnelle, à travers l'histoire et la littérature, apportée à cette question est dominée par deux options : la prise en charge étatique de ces biens ou leur privatisation.
Toute autre est la voie que nous propose Elinor Ostrom dans son livre Governing the Commons (1991). S'appuyant sur une riche investigation empirique, cette dernière propose une troisième alternative qui remet en cause le dualisme structurant la réalité sociale des sociétés modernes (l'État ou le marché). Elle parvient ainsi à démontrer que des communautés d'individus sont capables de s'autogouverner et de s'autogérer pour faire face à des problèmes les affectant intimement. Sans avoir recours à l'assistanat étatique ou à la tyrannie du dogmatisme économique (la panacée du marché). Elle nous propose ainsi une approche originale de la gouvernance, la gouvernance participative qui place les communautés civiles au centre du processus à la différence de la conception tryptique classique (État, société civile, marché).
L'approche institutionnaliste prônée par Ostrom est fonctionnaliste, et éminemment rationaliste. Elle présuppose que les individus, sont capables de créer des institutions précises répondant à des besoins précis, et partant de contrôler parfaitement ces institutions.
Dans ce travail, on exposera et étudiera dans un premier temps les principes sous-jacents à la perspective d'Ostrom. Puis, à partir de ses conclusions qu'elle nous fournit, on lui adressera deux critiques concernant la notion de capital social au cœur de cette approche.
[...] Elle soutient dans ce sens que, d'une part les individus s'inspirent toujours des structures existantes dans la conception de nouvelles institutions, d'autre part que les institutions, existantes génèrent des structures d'incitation et de contrainte, qui permet leurs reproduction et amélioration ou ajustement à travers le temps. L'adaptation incrémentale des institutions aux problèmes et mutations de leur environnement est l'une des garanties de leur maintien. L'apprentissage et la capitalisation institutionnels sont préconisés par l'auteur des mécanismes de résolution de problèmes d'action collective (p. 190). Ces postulats se vérifient par ailleurs, dans le cas des bassins de Californie (pp. [...]
[...] La réponse de l'approche institutionnaliste du choix rationnel à cette question tient compte à la fois de l'origine des institutions (perspective fonctionnaliste) et des effets de ces institutions sur les stratégies des acteurs (Gazibo et Jenson : 206-207). Dans cette optique, les institutions sont conçues pour répondre à des besoins précis, ou encore les individus se servent des règles institutionnelles existantes pour définir des stratégies permettant de maximiser leur intérêt personnel. La théorie de la dépendance au sentier (institutionnalisme historique) quant à elle, explique l'origine des institutions et leur maintien par la continuité historique, et par l'influence que les formes passées exercent sur les formes présentes (ibid. [...]
[...] L'étude des politiques Publiques : les acteurs et leurs pouvoirs, Les Presses de l'Université de Laval. Ostrom, E. (1991). Governing the Commons: The Evolution of Institutions of Collective Action, Cambridge University Press. Il est utile de préciser que les arguments présentés ici, malgré leur énonciation, ne sont pas généralisables, du moins, pas avant d'avoir été testés et vérifiés en profondeur, autant sur les plans théoriques qu'empiriques. Les principes qui sont évoqués ici découlent de l'étude de cas précis, et partant, on ne saurait s'avancer à les universaliser. [...]
[...] En dépit de toute la plus value que pourrait procurer l'abandon par les autorités centrales de la gestion de ces ressources à cette communauté, il pourrait s'avérer risqué et coûteux de le faire dans les faits. [...]
[...] Cette interrogation qui n'est pas abordée par Ostrom mérite pourtant toute attention. La gestion communautaire de ressources naturelles proposée par Ostrom est une approche originale de l'organisation de l'action collective. Empruntant aux principes de gestion privée (maximisation des intérêts, calcul rationnel, optimalisation) et publique (accès égal par tous), elle se présente comme un cadre pour réfléchir aux problèmes environnementaux causés par une gestion abusive ou peu rationnelle des ressources naturelles. En outre, cette réflexion interroge les bases même de l'organisation sociale, et fournit de précieux indicateurs pour la compréhension de la cohésion sociale. [...]
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