La crise couve : après l'échec du référendum en France et au Pays-bas sur le TECE, bloquant l'évolution de l'Union Européenne et des Communautés Européennes sur les conclusions d'un traité de Nice très controversé et apparemment inadapté face à l'élargissement à 25 puis 27, un nouveau conflit émerge à propos de la question de la politique commerciale, communautarisée dès 1957 dans le traité de Rome. La remise en cause du rôle du commissaire européen par le Président Chirac dans ses prérogatives pour mener les négociations à l'OMC met en lumière des questions juridiques, qui à force de ne pas avoir été réellement tranchées depuis 50 ans, se retrouvent être des facteurs de blocages dans le fonctionnement institutionnel des communautés européennes. En opposant Commission et Etats, c'est la question du régime politique qui est remise en cause par le Président Chirac.
Le régime politique est le type d'organisation institutionnelle résultant d'une constitution. Il n'existe pas encore de Constitution pour l'UE, donc pas de constitution pour les communautés. Cependant, on peut considérer que les traités constitutifs des communautés européennes et leurs modifications définissent l'organisation institutionnelle des communautés. C'est donc à partir de ces traités fondateurs (traité CECA de Paris du 18 avril 1951, traités de Rome 25 mars 1957 et leurs approfondissements) que nous rechercherons la nature de l'organisation institutionnelle des communautés. Depuis le traité du 8 avril 1965 les institutions des 3 communautés sont fondées en une seule architecture institutionnelle.
La question de la définition des institutions pose un premier problème : quelles sont les institutions des communautés ? Des traités constitutifs se dégagent 5 institutions : Le Conseil des Ministres, le Parlement, la Commission, La Cour de Justice, La Cour des Comptes (art 7 TCE) ; s'il ne fait aucun doute que ceux-ci sont des institutions dans le sens constitutionnel, la question se pose pour le Conseil Européen, lequel n'a pas été créé par un traité, mais qui s'est imposé dans la pratique et qui a vu sa place dans l'organisation des pouvoirs reconnu à partir du traité de Maastricht qui lui attribue certaines compétences communautaires. Cependant, le Conseil Européen, dans la distinction opérée par le traité d'Amsterdam, est une institution du TUE (art. 4) et non du TCE. S'il est une institution de l'UE, il n'est pas à proprement parler une institution communautaire. Pour résoudre cette question, attachons nous au sens strict du « régime politique », c'est-à-dire simplement aux règles et non pas au fonctionnement concret ; nous reprenons dans ce sens la distinction entre régime politique et système politique dégagée par M-A. Cohendet, ce qui implique l'analyse par le texte constitutif ; le Conseil Européen est cité 6 fois dans le TCE tel que modifié après le traité de Nice, il n'est cependant pas décrit comme une institution communautaire au sens de la partie Cinq, titre I du TCE. Il est seulement cité en tant que rapporteur ou consulté sur certaines questions, notamment l'emploi. Son pouvoir est simplement un pouvoir d'impulsion, mais non un pouvoir normatif tel que défini par l'art 249 du TCE. Le pouvoir d'impulsion étant un aspect relevant de la pratique, donc du système politique, le Conseil Européen ne peut être considéré comme une institution communautaire.
[...] Les crises ont été dépassées par des compromis qui ne tranchent pas ses questions, donnant à chaque fois des garanties aux uns et autres (ex : compromis du Luxembourg). C'est la clarté et le fonctionnement de l'UE qui en pâtissent. Schizophrénie du système caractérisé par la dualité institutionnelle entre Commission et Conseil des Ministres. Cette sorte de gouvernement à 2 têtes, voire 3 si on prend en compte l'influence des décisions du Conseil Européen, reflète une gouvernance selon un intérêt transnational qui essaie de prendre en compte l'intérêt général et l'intérêt de chacun. Ce fonctionnement a permis de faire de la volonté d'Europe une réalité qui fonctionne. [...]
[...] Elle est une citoyenneté inversée (R. Kover) et n'exprime pas un lien affectif fort entre le citoyen et les institutions. Face à la complexité du système institutionnel, les citoyens se détournent de l'Europe et voient dans les communautés un régime plus ou moins impérial qui s'oppose à leur libre choix national. Le parlement européen, seule institution de démocratie directe, bien que renforcé au fil du temps, ne possède pas les attributs qui pourraient faire des Communautés un régime parlementaire original. [...]
[...] Si la question de la nature est posée, c'est pour mettre en valeur le fait que le régime des communautés européennes ne relève pas des schémas classiques du droit constitutionnel, qu'il appartient à un droit complexe, le droit communautaire. Il faut ainsi rechercher l'essence de cette construction originale, dans les schémas du droit constitutionnel, mais aussi selon des optiques propres au caractère juridique unique de la construction européenne. En effet, cette construction juridique, produit d'une histoire particulière est unique en son genre. [...]
[...] On pourra ainsi donc étudier un seul régime politique tout en étudiant les 3 communautés. Ce modèle est unique en son genre, il ne correspond ni aux canons du droit international public, ni aux canons du droit constitutionnel. Sa nature n'appartient qu'à lui-même, et il ne peut se définir qu'au regard des débats et des solutions qui ont engendré son originalité, alors que les concepts pour le définir proviennent de droits qui lui sont étrangers. Cette construction originale complexe a permis la réalisation d'une certaine idée de l'Europe ; cependant, parce que la nature du régime est difficile à définir autant sur le plan de l'équilibre entre souveraineté des Etats et supranationalité que sur le plan des légitimités démocratiques, se retrouve éloignée de la compréhension et donc de l'intérêt des citoyens ; C'est pourtant sans doute là que réside, contrairement au passé, l'avenir de la construction européenne qui vise toujours plus d'intégration. [...]
[...] Parallèlement, les citoyens ont rejeté les dernières avancées pour des questions aussi bien relatives au fonctionnement des institutions qu'à des questions nationales. Dans les CE, les intérêts nationaux paraissant mieux garantis que les intérêts européens. Le régime n'est pas défini et cette construction originale peine à imposer ses schémas propres, parce qu'elle est trop éloignée de ses citoyens. Originalité des CE sur le plan international, une construction juridique supranational reconnue. Cependant, au plan interne, le refus du choix entre une vraie supranationalité et une intergouvernementalité aboutit à une nouvelle impasse dans un fonctionnement institutionnel peu lisible et difficilement légitimable. [...]
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