Pour l'historien français Alain Besançon, la spécificité des régimes totalitaires est de relever du biblisme, puisqu'ils font preuve d'un certain fantasme de l'unicité, de la totalité et du messianisme. La grande caractéristique du fascisme serait surtout l'idée de salut temporel, salut organisé autour de nombreux rites inhérents au totalitarisme. D'après lui, le nazisme, et a fortiori le fascisme, vise en réalité à retrouver une pureté originelle souillée par la modernité et la technique, par l'individualisme et le capitalisme.
Les régimes fascistes du XXe siècle viseraient-ils donc à révéler un fascisme inhérent à la nature humaine ? Viseraient-ils à concrétiser une nature humaine qui serait fasciste, en acte ou en puissance ? On se rend vite compte qu'il est très difficile, à partir de la définition du fascisme comme système politique, de tirer des conséquences sur la façon dont est conçue et appréhendée le fascisme à l'échelle de l'individu, puisque cette définition est avant tout celle d'un système politique totalitaire écrasant l'individu.
La nature humaine est-elle fasciste ?
[...] L'idée de condition humaine permet de penser la réceptivité politique aux idéaux fascistes. Au-delà des phénomènes sur le temps moyen et le temps long qu'on a mentionné, il est évident que le fascisme, s'il apparaît au XXe siècle et se constitue vite en doctrine, c'est en s'opposant à des processus politiques, comme on le voit avec le texte de Mussolini : o Le fascisme est foncièrement anticapitaliste, comme le souligne l'historien Stanley Payne, montrant que les individus appuyaient un processus plus social et plus corporatiste, à une époque de profonds déséquilibres économiques et sociaux. [...]
[...] Il est donc impossible de se dédouaner du phénomène totalitaire au nom d'une nature humaine fasciste. Si Mussolini écrit qu' il n'y a pas de conception de l'État qui ne soit dans le fond une conception de la vie ce qu'il est important de noter est surtout qu'il parle d'une conception conception que le régime a tenté d'imposer à tous les hommes, au nom d'un idéal, celui d'un retour à une nature parfaite de l'homme. Il semble donc qu'en réalité, ce concept même d'une nature humaine est d'une part un instrument, et d'autre part une visée du fascisme. [...]
[...] Ce qu'il faut étudier, c'est le lien entre les conceptions de la nature humaine et le fascisme. On peut identifier de nombreux thèmes touchant les individus et appartenant à la sphère fasciste, parmi lesquels l'irrationalisme, la méfiance envers une prétendue bonté naturelle de l'homme, la négation de tout dessein dans le cours de l'histoire, la vision de l'histoire comme un cycle éternel d'une humanité immuable, l'exaltation de l'instinct, le mépris du moralisme et de l'utilitarisme, la vie comme manifestation de la volonté de puissance, le culte de l'action, le relativisme moral et la religiosité païenne, l'anticapitalisme et l'antimatérialisme, le culte de l'individu supérieur, la fascination pour les masses, les tendances éminemment racistes et eugénistes, et un évident sentiment de décadence. [...]
[...] De plus, si pour incorporer de dimensions fascisantes à l'homme il faut une politique active d'éducation et d'intégration des masses, c'est bien que le régime fasciste lui-même est conscient que la nature humaine n'est pas fasciste. Le concept de nature humaine est peu pertinent et rend impossible l'idée d'une nature humaine fasciste de même que l'on aurait pu insister sur la diversité des fascismes. La notion de condition humaine permet de mieux comprendre la réceptivité des individus au fascisme dans un contexte donné. [...]
[...] Si l'on imagine que la nature humaine se caractérise par la raison, avec tous les problèmes que cela peut poser, alors il faut s'interroger sur la place de la raison au sein du fascisme. Or il se trouve que le fascisme est fondamentalement irrationaliste. Il apparaît avec l'idée que c'est une philosophie de la vie qui triomphe après le processus de destruction de la raison. Pour le philosophe et sociologue allemand Max Horkheimer, de l'école de Francfort, le fascisme se caractériserait par le développement de tendances qu'il considère comme irrationnelles, qu'on retrouvera dans le nazisme en particulier sous la forme l'antisémitisme. [...]
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