« La nation est non seulement la réalité vivante à laquelle nous sommes tous attachés, mais surtout le lieu où bat le cœur de la démocratie, l'ensemble où se nouent les solidarités les plus profondes » avait dit Lionel Jospin dans sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997. La nation, dans l'imaginaire politique actuelle, semble être rattachée à la notion de démocratie, qu'elle a prétendue défendre, et qu'elle est censée préserver. Selon Dominique Schnapper, comme toute unité politique, « la nation se définit par sa souveraineté qui s'exerce, à l'intérieur, pour intégrer les populations qu'elle inclut et, à l'extérieur, pour s'affirmer en tant que sujet historique dans un ordre mondial fondé sur l'existence et les relations entre nations-unités politiques. Mais sa spécificité est qu'elle intègre les populations en une communauté de citoyens, dont l'existence légitime l'action intérieure et extérieure de l'Etat » . Loin de répondre à une seule et même définition, la nation revêt cependant des acceptations différentes selon ses théoriciens: d'après Fichte, les éléments constitutifs de la nation sont la langue, un enracinement territorial, une culture. D'après Renan, la nation est un plébiscite de tous les jours, c'est à dire que son essence ne se trouve pas dans le passé mais dans l'instant présent. Une culture ne peut vivre qu'à condition d'être renouvelée par un consentement commun. Pour Fustel de Coulanges, la nation n'est ni la langue, ni la race, c'est ce qu'on aime. C'est d'après sa conception volontariste de l'appartenance à la nation qu'il justifia l'attachement de l'Alsace Lorraine à la France après le traité de Francfort du 10 mai 1870. Après la nation, la démocratie, second point à expliciter de la citation de Lionel Jospin, correspond au pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple, au dire d'Abraham Lincoln. Dans le système politique qu'est la démocratie, la souveraineté appartient au peuple, qui peut l'exercer par la voie de ses représentants. La démocratie peut être locale, elle se passe dans les collectivités territoriales, ou nationale. Or, la première aspiration d'une nation est la souveraineté populaire qu'elle incarne. Dès lors, la démocratie paraît naître dans le moule de la nation. En revanche, au regard de la conjoncture économique et politique actuelle, la nation serait entrée dans une spirale de remise en question : à en croire Emmanuel Todd, « ce n'est pas la mondialisation qui dissout les nations, mais l'autodissolution des nations qui produit la mondialisation ». Si l'on assiste à un déclin de la nation, est-ce pour autant une mise en cause de la démocratie ? La question est alors fondamentale : comment la démocratie peut-elle se passer des nations quand bien même les deux sont allées de pairs ? Alors que la nation fut dans l'histoire le cadre de la démocratie, les deux ont également entretenu des liens conflictuels. Aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation et de l'Europe, les souverainetés nationales sont malmenées et la démocratie en est modifiée.
[...] Paris : Aubier Blandine KRIEGEL. Cours de philosophie politique. Paris : LDP Dominique SCHNAPPER. La communauté des citoyens. Paris : Gallimard Robert DAHL, size and democracy, Tafte [1]Dominique SCHNAPPER. La communauté des citoyens. Paris : Gallimard chapitre 1 : la nation, unité politique Blandine KRIEGEL, Cours de philosophie politique, partie II, nations et nationalismes Ibid, partie II, nations et nationalismes Robert DAHL, size and democracy, Tafte p Dominique SCHNAPPER. [...]
[...] À défaut d'avoir une identité européenne, les citoyens européens sont unis dans le droit. L'Europe est une puissance normative, son identité est son droit, plus que sa communauté qu'elle entend mettre en place. La nation européenne n'existant pas, l'on va faire de son droit le dénominateur commun de tous les citoyens pour organiser la démocratie. La démocratie réalisée au sein de l'Union Européenne s'inspire de l'idée d'un Habermas, la question du patriotisme constitutionnel s'est appuyé sur l'exemple de la République Fédérale d'Allemagne. [...]
[...] La démocratie est donc cosmopolite Rober Dahl évoque l'expression de polyarchie démocratique, le fait que celle-ci ne correspond pas à une échelle déterminée : «plutôt que de concevoir la démocratie comme un type particulier d'unité souveraine nous devons apprendre à concevoir la démocratie comme si elle s'étendait sur un ensemble de systèmes politiques, quelquefois mais pas toujours –arrangés à la manière de boîtes chinoises, la plus petite se nichant dans la plus grande L'Union Européenne illustre à merveille le changement de cadre national pour organiser la démocratie L'Union européenne et quelques États démocratiques ne reposent pas forcément sur une nation Forte du constat de polyarchie démocratique, l'Union Européenne a mis en place des systèmes institutionnels pour récupérer au niveau transnational les capacités d'action perdues par l'Etat nation. Les nations se sont assemblées pour organiser une démocratie les dépassant. [...]
[...] Pour la Révolution américaine, le projet de la nation fut la démocratie. L'ancien Président Franklin D Roosevelt a d'ailleurs rappelé les liens consubstantiels unissant nation et démocratie : l'américanisme n'a jamais été une question de race ou d'origine ancestrale. Un bon Américain est un homme qui est loyal envers ce pays et envers ces idéaux de liberté et de démocratie. En ce qui concerne la Révolution française, la nation est décrite comme source de souveraineté ; le principe est né de l'article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, affirmant que le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation En fondant la légitimité politique sur la volonté des peuples, la Révolution a fait de la politique le moyen d'unir les hommes au détriment du lien religieux ou dynastique. [...]
[...] En réalité, la nation est un processus endogène, car il ne prend pas en compte autrui, elle concerne un peuple indépendamment des autres l'entourant. Le nationalisme, aujourd'hui, est récupéré à l'extrême droite de l'échiquier politique, dont les aspirations vont de la remise en question du suffrage universel à l'expulsion des immigrés, De fait, le nationalisme s'est souvent opposé au pacifisme, sauf sous la France du Maréchal Pétain occupée de 1940. La démocratie est garante de la paix civile, et un conflit entre nations, pour peu que ces nations soient des démocraties, conduit à la négation des peuples, donc à la démocratie. [...]
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