Le colonialisme, qui consiste en l'extension de sa souveraineté par un Etat sur un territoire en dehors de ses frontières nationales, est un phénomène ancien : dès l'Antiquité, les Grecs établissaient des colonies d'habitation, tandis qu'au XVe siècle, les grandes puissances européennes envoyaient des hommes à travers le Monde pour explorer les océans et les continents encore méconnus.
La fin du XVIIIe siècle, qui voit les Etats-Unis d'Amérique obtenir leur indépendance, marque une rupture dans l'histoire du colonialisme. Pour la première fois des colonies se séparent de leur métropole, ce qui remet en cause les fondements mêmes du fait colonial.
C'est dans ce contexte particulier et inédit qu'a lieu une nouvelle vague coloniale à la fin du XIXe siècle. L'analyse de ce mouvement devra donc intégrer une réflexion sur l'influence des éléments de modernité. En particulier, il faudra déterminer l'influence réelle jouée par le nationalisme sur la colonisation, aussi bien en sa faveur qu'en sa défaveur. Il conviendra également de chercher à relativiser cette influence si cela s'avère nécessaire lorsqu'elle sera démontrée. Enfin, pour que la démarche soit pleinement historique, il faudra mettre en valeur les évolutions du mouvement colonial sur une période longue et variée allant du début du XIXe siècle, alors que le mouvement des nationalités n'en est encore qu'à son commencement et que les surfaces colonisées sont relativement faibles, à 1914, lorsque l'Europe, marquée par le triomphe du nationalisme, s'apprête à s'engager dans la Première Guerre mondiale, et alors que la planète est presque intégralement colonisée.
En quoi le nationalisme, grand fait marquant du XIXe siècle, a-t-il était déterminant dans la réalisation du grand mouvement colonial mené par les pays européens à la fin du XIXe siècle, et en particulier au moment de son accélération après 1870 ?
[...] Cette nouvelle phase se caractérise d'abord par une hausse significative de l'intensité du mouvement coloniale. L'Afrique, qui est encore très peu colonisée en 1872 et qui offre donc un fort potentiel, est ainsi massivement conquise, de sorte qu'en des territoires africains sont occupés. Cette dimension excessive, passionnelle du mouvement colonial est intéressante dans la mesure où elle le rapproche du nationalisme, également caractérisé par une forme d'excès et par le fait de faire appel à l'instinct. Ensuite, cette nouvelle phase impérialiste se caractérise par l'abdication du rationnel. [...]
[...] Nous l'avons amplement démontré, le nationalisme explique en grande partie l'engouement des puissances européennes pour le colonialisme. Mais la pleine compréhension de cette relation exige aussi d'en établir les limites. Nous avons opposé un colonialisme traditionnel dont les motivations seraient principalement économiques à un colonialisme de puissance dont les motivations seraient irrationnelles et qui viserait à prouver au Monde la supériorité d'une Nation, voir d'une race, sur les autres. Mais le passage d'un phénomène à l'autre n'est pas net, et l'économie continue de peser dans le mouvement colonial de la fin du XIX° siècle. [...]
[...] Mais au- delà de la défaite, c'est l'atteinte à l'intégrité du territoire, la perte de l'Alsace-Lorraine, qui constitue l'humiliation la plus grave. Un symbole particulièrement significatif de la manière dont les colonies s'imposent comme une substitution face à la perte de l'Alsace-Lorraine est l'émigration de nombreux Alsaciens et Lorrains, qui part leur vote massif pour la poursuite de la guerre aux élections législatives du 8 février 1871 ont prouvé leur profond patriotisme, en Algérie. Dans ce contexte d'exacerbation du sentiment national, la France va surmonter la douleur de son humiliation en colonisant de nouveaux territoires. [...]
[...] Enfin, les années 1870 sont marquées par l'achèvement des unifications allemande et italienne. La colonisation va donc servir d'instrument de prestige, de légitimation à ces jeunes Etats-nations en quête de reconnaissance. Rapidement, l'Italie s'emploie à constituer une flotte puissante, pré-requis indispensable pour se lancer dans l'« aventure coloniale En 1881, elle échoue à s'emparer de la Tunisie, et doit attendre 1889 pour établir sa première colonie en Somalie. L'Allemagne doit attendre que Guillaume II prenne la tête de l'Empire allemand, en 1888, pour se lancer pleinement dans le mouvement colonial. [...]
[...] Mais le facteur économique et le facteur nationaliste ne doivent pas forcément être opposés ; ils sont plutôt imbriqués, comme le rappelle Huebble-Schleiden lorsqu'il affirme que le gain ( ) est la meilleure preuve de patriotisme Le nationalisme est donc largement responsable de l'amplification du mouvement colonial à la fin du XIX° siècle. S'il existe avant 1870, le colonialisme n'est néanmoins pas un phénomène massif ; les populations européennes s'y montrent d'ailleurs plutôt indifférentes. Les choses changent radicalement après 1870, en particulier pour la France où la perte de l'Alsace-Lorraine renforce le nationalisme. La colonisation de nouveaux territoires extra-européens apparaît alors comme un moyen efficace de réaffirmer la grandeur de la Nation. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture