La nation est un de ces mots usuels et usés, trop vus et trop entendus, qui nous surprennent si l'on prend la peine de leur chercher une définition précise.
Pour le dictionnaire politique, le présent en question (éditions Larousse) la nation est une communauté humaine consciente de son identité, généralement dotée (mais pas nécessairement !) d'un territoire et/ou d'une langue. En revanche pour le Dictionnaire de philosophie politique de Philippe Raynaud et Stéphane Rials (éditions Puf) la nation est à l'origine un « groupe de personnes unies par les liens du sang, de la langue et de la culture qui le plus souvent, mais pas nécessairement partagent le même sol ». Deux ouvrages, deux définitions, là réside le problème majeur de la nation.
Les définitions, bien que divergentes, s'accordent sur l'idée de rassemblement, que ce soit par les termes de « groupe » ou de « communauté » la vie commune est posée comme décor de la nation, une base essentielle. Mais peut-elle se résumer à la seule volonté de vivre ensemble ?
Il nous faut dans cette introduction, retracer rapidement l'historicité du concept.
En 1694, le dictionnaire de l'académie française identifie l'Etat et la nation en voyant dans la nation un ensemble constitué par un seul Etat, avec gouvernement unique, même lois, même langage : c'est en réalité le concept d'Etat-nation qui est ici défini.
Emile Sicard parle de « vagues de constructions nationales », distinguant différentes périodes de regain d'intérêts pour la nation. La première remonte à la fin du XVIII° début du XIX° siècle, et cette construction nationale est américaine avec d'une part l'indépendance des Etats-Unis d'Amérique, et d'autre part la construction nationale des pays d'Amérique Latine. La deuxième période, appelée « éveil » ou « réveil » des nations, a lieu en Europe centrale et orientale ainsi qu'en l'Italie au XIX° et XX° siècles. Enfin, la troisième et dernière vague de constructions nationales, s'est déroulée au cours du XX° siècle notamment en Afrique et en Asie dans le lent mais non moins certain processus de décolonisation.
Cependant, bien avant l'éveil des nationalités du XIX°, au cours du XVI° siècle, la France et l'Angleterre ont réalisé leur identité nationale en partie à partir de leur antagonisme exacerbé. En France, le sentiment national s'est forgé avec d'une part l'instigation des monarques contre l'ennemi héréditaire anglais, et d'autre part sous l'influence de la bourgeoisie triomphante contre l'ancien régime et la monarchie.
Mais toutes ces définitions et mises en contexte de la nation le font pratiquement tout le temps dans le seul point de vu de l'état nation. Pourtant, la nation pourrait s'aborder de différentes manières, son existence étant assurée malgré l'absence d'organisation politique.
[...] Dans la théorie organique, la nation est associée à la vie, elle est constituée par le vivant, les générations successives, l'actuel en somme. A l'inverse, la théorie de la nation artificielle prônerait plutôt la nation en tant que construction. D'autres théories s'affrontent sur le passage de l'entité au tout. En effet certains penseurs comme Michelet ont tendance à voir la nation comme une personne, Herder parle de l'individualité de la culture nationale En revanche d'autres insistent sur la nation en tant qu'objet collectif (utilisé notamment en politique et idéologie) Idem avec des oppositions comme idéologie (nation en tant que catalyseur idéologique et apolitisme (efface les divisions) ; transcendant et fonctionnel II- Les théories de la nation subissent cependant des remises en questions perpétuelles Nationalisme et instrumentalisation idéologique de la nation - La nation ouvre la porte à l'idéologie Dans l'ouvrage d'Eric Hobsbawm, Nations et nationalisme depuis 1780, il développe l'idée selon laquelle la nation encadrée politiquement conduit presque systématiquement à une utilisation idéologique de celle-ci. [...]
[...] La nation se sent mais les théories qui la cernent ne sont pas si évidentes à mettre en place. - Théorie/esthétique, organique/artificiel, individuel/collectif, universel/particulier, indépendance/dépendance, idéologie/apolitisme, transcendance/fonctionnel La nation porte en elle toute une série de contradictions qui transparaissent dans différentes théories opposables. Tout d'abord, l'opposition entre théoriciens et esthètes est celle de deux manières de définir la nation. Les théoriciens la voient comme une accumulation de critères descriptifs tandis que les esthètes l'abordent en tant qu'acquis constatable dans les mœurs, l'art, le quotidien. [...]
[...] Pour les romantiques, l'Etat-nation est une individualité close sur elle- même, résultante d'un processus historique naturel. En cela ils se distinguent des modernes, mais le concept d'Etat-nation n'est pas pour autant absent. Le penseur Novalis, historiciste et antirationaliste semble dire que Etat et nation sont étroitement liés (ce qui cela dit peut être vrai sans être systématique) plus les individus sont spirituels et vivants, plus l'Etat devient vivant et personnel. De chaque citoyen se dégage le génie de l'Etat (qui est bien évidemment nation dans le sens organistique du terme) tout comme dans une communauté religieuse un dieu personnel se révèle sous mille formes». [...]
[...] Pas forcément de construction politique, mais plutôt de construction mentale. Dans le sens qu'une nation a besoin de temps pour s'installer dans les esprits et que brandir un drapeau et une nouvelle constitution du jour au lendemain en se clamant de telle ou telle nationalité ne fera pas une nation car les gens n'auront pas le sentiment d'y appartenir. On peut prendre l'exemple de la Yougoslavie de Tito, dont l'équipe de football était ardemment supportée avant l'éclatement du pays, et qui n'a pas empêché le conflit meurtrier une fois le pays éclaté, pour la simple raison que certaines nations par leur ancienneté, prenne l'ascendant sur 70 ans d'appartenance à la nation yougoslave. [...]
[...] Cependant, le mot même de nationalisme porte en lui une connotation profondément péjorative. Le nationalisme n'est pas que l'aspiration à l'encadrement politique de sa nation, il exclut aussi ceux qui n'appartiennent pas à la nation, développant souvent des sentiments xénophobes. Cependant, le nationalisme politique doit être différencié du nationalisme culturel, qui ne demande que la reconnaissance d'une culture nationale. De plus, de nombreux groupes politiques de libération notamment en Afrique se revendiquaient comme nationalistes, et ne réclamaient rien d'autre que l'autodétermination du peuple : nous sommes dans ce cas loin du nationalisme xénophobe. [...]
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