A première vue on serait tenté d'inscrire le concept de communauté imaginée dans le débat binaire qui traverse la conception de la nation. Il convient donc avant toute chose de rappeler brièvement les termes de ce débat. D'un côté la nation est vue en termes ethnoculturels, c'est-à-dire fondée sur des éléments objectifs : sang, langue, territoire, mœurs… De l'autre une conception plus subjective d'une nation civique, fondée sur le « vouloir vivre ensemble », l'adhésion volontaire, le « plébiscite de tous les jours »…
La communauté imaginée se rapprocherait donc plus de la « conception française » de la nation parce qu'elle sous entend une dimension subjective, artificialiste, l'important étant que les individus se considèrent, s'imaginent comme formant une nation. Cependant cette première assimilation parait hâtive; en effet si l'on s'arrête sur chaque terme de l'expression, toute nation est intrinsèquement une « communauté imaginée ».
Benedict Anderson parle de communauté et non de société imaginée. Par là-même il met l'accent sur l'unité du groupe, le sentiment d'un lien, de quelque chose en commun, au contraire d'une société faite d'individus atomisés. La communauté se perçoit comme singulière, différente des autres groupes. Il y a une « camaraderie », une communion entre ses membres, quel qu'en soit le fondement.
[...] Les Célébrations en tout genre (notamment la Fête Nationale), les symboles nationaux (drapeaux, hymnes ) mais encore le droit de vote et la conscription sont autant de moyens pour créer cette identité nationale. D'autre part comme le souligne Yves Deloye l'Etat veille à clôturer l'identité nationale, puisque la nation fonctionne dans une dynamique inclusion/exclusion (contrôle de l'identité, réglementation de l'immigration L'Etat peut aussi chercher à marquer la singularité de la nation en s'opposant à d'autres Nations, voire en entrant en conflit avec (ce qui permet à la nation de prendre conscience d'elle-même, de son unité et de sa singularité. [...]
[...] En témoigne la polémique autour de la lettre de Guy Mocquet et le refus de nombreux enseignants de la lire devant leur classe. Rendre hommage à un adolescent mort pour la patrie semble rétrograde, dépassé et déplacé. L'Etat peine également à construire une histoire consensuelle, comme l'ont prouvé les débats et l'indignation lorsqu'il a voulu introduire le rôle positif de la colonisation dans les manuels scolaires. La Nation, comme communauté imaginée et imaginaire, nécessite un effort permanent pour être maintenue. [...]
[...] La Nation est souveraine, formée d'égaux et s'incarne institutionnellement dans l'Etat. Sa cohésion et sa pérennité reposent sur la diffusion d'un imaginaire national, créant le sentiment d'une identité nationale. Pour Dominique Schnapper une nation n'existe que si elle s'incarne dans des formes sociales objectivées. La nation n'a pu apparaître qu'avec le développement de l'Etat et l'idée que la souveraineté politique appartient au peuple. Selon elle, la nation est une forme particulière d'unité politique fondée sur : _la souveraineté intérieure (intégration des populations) et extérieure (affirmation par rapport aux autres nations) _ l'intégration des populations en une communauté de citoyens, dont l'existence légitime l'action intérieure et extérieure de l'Etat La nation a donc pour but de transcender par la citoyenneté les appartenances particulières C'est à l'Etat que revient la charge de former cette communauté politique imaginaire, ou cette communauté de citoyens si l'on préfère. [...]
[...] L'Etat Nation est aujourd'hui critiqué, considéré comme ‘'has been''. Il fait face à la mondialisation, à la dilution des identités Les conflits qui avaient permis la création et le renforcement des identités nationales disparaissent au profit de politiques d'intégration. Des théories postnationales sont développées qui visent à dépasser la nation (Habermas, JM Ferry). L'imaginaire national est en perte de vitesse, la nationalité autrefois composante de l'identité avec une forte dimension affective n'est plus qu'un lien juridique entre l'individu et l'Etat. [...]
[...] La nation est-elle seulement une communauté imaginée? A : Toute nation est une communauté imaginée A première vue on serait tenté d'inscrire le concept de communauté imaginée dans le débat binaire qui traverse la conception de la nation. Il convient donc avant toute chose de rappeler brièvement les termes de ce débat. Si la distinction telle qu'on la connaît prend ses racines dans l'opposition que fait l'historien allemand Tönnies entre Gemeinschaft (société civile traditionnelle avec une communauté fondée sur des liens objectifs) et Gesellschaft (société civile moderne, fondée sur l'association volontaire, le consentement, le calcul rationnel), elle a été formulée de manière plus célèbre par Fichte et Renan. [...]
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