Après dix ans de Révolution, la société française est déchirée et lasse. Napoléon se trouve à un tournant de l'histoire, car il va devoir faire l'inventaire : que retenir et que rejeter de la période révolutionnaire ? Devant les députes du Conseil des Cinq-cents le 19 brumaire an VIII, il déclare : « Nous voulons la République, la République assise sur les bases de l'égalité, de la morale, de la liberté civile, de la tolérance politique ». Il semble donc affirmer son attachement aux acquis de la révolution et à son régime emblématique qu'est la République. Cette revendication semble pourtant bien étrange dans la bouche de celui qui deviendra le Second Empereur de l'histoire de France. Napoléon est un homme de la Révolution, c'est elle qui va le révéler : que ce soit à Toulon ou lors de l'insurrection royaliste du 12 Vendémiaire. Il est donc un acteur de la Révolution, un acteur qui soutient ses avancées. Pourtant on considère le coup d'État du 19 Brumaire comme la fin de la Révolution. Doit-on en conclure que Napoléon a tué la Révolution ? En fait, le rapport de Napoléon avec la révolution est d'une profonde ambiguïté.
Aujourd'hui encore la question est loin d'être tranchée par les historiens : la réponse n'est pas oui ou non, deux thèses s'opposent. Cet héritage lui est reconnu par les souverains contemporains qui veulent l'éliminer, l'Autrichien Metternich reprend la formule de « Robespierre à cheval » et les royalistes qui voient en lui « l'Usurpateur », continuateur d'une Révolution qu'ils exècrent. Mais pour les libéraux ou les jacobins, il est un tyran trahissant l'esprit révolutionnaire et nuisant à l'héritage de la Révolution.
La difficulté réside d'abord dans la définition du terme de Révolution. Il n'y a pas eu une Révolution, mais une succession de révolutions. Quelle Révolution doit-on retenir : celle de Mirabeau, de Brissot, de Robespierre… ? Tous les acteurs de la Révolution n'en ont pas défendu la même vision. Cependant malgré ces différences, on peut dégager quelques traits communs qui font son unité : tous les révolutionnaires ont affirmé leur attachement à la Déclaration des droits de l'homme, tous sont restés attachés aux principes de liberté individuelle, d'égalité des droits, de souveraineté de la nation et même si la période fut marquée par de grandes violations de ces principes (durant la Terreur tout particulièrement) les révolutionnaires continuèrent de considérer ces principes comme un idéal momentanément inaccessible. Est-ce que Napoléon va respecter ces principes difficilement établis ? Après son coup d'État, il affirme : « la Révolution s'est faite selon les principes qui l'on commencée; elle est finie. » Cette phrase célèbre montre que Napoléon envisage le nouveau régime à la fois comme une coupure avec le passé immédiat et comme continuité.
En quoi le rapport que Napoléon entretient avec la Révolution est profondément contradictoire, entre rupture et continuité, et fait de lui un héritier sélectif ? Napoléon sacrifie une partie de l'idéal révolutionnaire, mais pérennise malgré tout un édifice fragile.
[...] Napoléon organise une cour impériale comme sous les rois. Cette Cour, régie par une stricte étiquette, est l'occasion de cérémonies grandioses. L'appellation de citoyen nouvellement instaurée par les révolutionnaires est peu à peu remplacée par celle de monsieur L'organisation est confiée à des anciens nobles de l'Ancien Régime pour rétablir les bonnes manières chez les maréchaux issus du peuple. Dans les départements, il fait recenser les notables c'est-à-dire les citoyens les plus riches et les plus considérés afin de donner aux préfets un appui solide. [...]
[...] Il met un terme aux désordres (jacqueries, émeutes), aux guerres civiles (insurrection vendéenne, chouannerie) et interrompt la violence (Terreur, loi des otages de 1799). En assurant un meilleur ravitaillement il met fin à la disette chronique, source de tant de désordres politiques. Il met fin aux sources de division des Français. Il parvient à réunir sous son autorité les révolutionnaires et les émigrés je suis devenu l'arche d'alliance entre l'ancien et le nouveau, le médiateur normal entre les vieux et nouveaux ordres Napoléon, 1816). [...]
[...] A partir de cette stabilité ramenée, Napoléon consolide les conquêtes de la Révolution. Les biens pris aux Clergé, les biens nationaux, bénéfice majeur pour la bourgeoisie et les paysans aisés de la Révolution, leur sont reconnus et confirmés par la signature du Concordat avec le pape. Surtout, Napoléon entérine les transformations de la société en fixant un régime d'égalité dans une société jusqu'alors profondément inégalitaire. Napoléon écrivit : je ne cherche rien moins qu'une révolution sociale L'égalité est peut-être le bien le plus cher aux yeux des révolutionnaires car la Révolution est avant tout une révolution égalitaire. [...]
[...] S'il évite de choisir le titre de roi, c'est parce que le pays sort de dix années de révolution. Mais il cherche véritablement à rétablir la monarchie héréditaire à son profit. Quel outrage fait à la révolution ! Le sacre achève de reprendre les formes monarchiques de lien entre Eglise et l'Etat. Napoléon efface les ministres et les assemblées. Ne pouvant supporter la personnalité trop forte de Talleyrand et de Fouché, ils les renvoient. Tous deux sont remplacés par de simples exécutants dociles. [...]
[...] ) et où il introduit le Code civil et la législation française. Les nouveaux principes juridiques comme l'égalité sociale et la liberté civile renversent les vielles sociétés féodales comme en Italie du Nord ou en Belgique. Les souverains haïssent l'homme qui a consolidé l'œuvre de la Révolution, il est pour les puissances européennes, un Jacobin couronné . Goethe le décrit comme la Révolution couronnée et lui-même veut donner de lui cette image dans le Mémorial. Cette tâche de consolidation fait de Napoléon un conservateur en France mais un révolutionnaire dans les pays étrangers d'ancien régime. [...]
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