Le principe d'égalité dont il est question ici est d'inspiration universaliste. Il signifie que chaque individu est titulaire de droit en tant que personne et non plus en fonction de son appartenance à un groupe. Pour Olivia Bui-Xan, cet universalisme « doit être directement mis en rapport avec la conception de la nation dégagée par les révolutionnaires ». A la différence des modèles anglo-saxons où des droits sont reconnus à des groupes infra-étatiques (les minorités), le modèle républicain français établit un lien direct entre l'Etat et les citoyens.
Pourtant, ce principe juridique ne va pas sans ambiguïté. Comme l'écrit Ferdinand Mélin-Soucramanien: « l'activité normative est, par nature, discriminatoire ». C'est dire que la loi ne peut jamais être la même pour tous et doit créer des catégories de citoyens. Guy Carcassonne explique alors ainsi la spécificité du principe d'égalité dans l'ordre juridique français : « parce que les hommes naissent et demeurent égaux, la conception française de la démocratie peut éventuellement admettre des différences en fonction de ce que les citoyens font (métier, situation, statut, agissement, etc.), jamais en fonction de ce qu'ils sont ».
D'un côté donc, un régime constituait d'une multitude d'ordres juridiques et où des droits sont attribués aux individus en fonction de ce qu'ils sont ; de l'autre, une société fondée sur le principe d'égalité, où la loi vaut pour l'ensemble du territoire et où les catégories de citoyens sont établies sur ce qu'ils font.
Ce principe d'égalité est fortement contesté depuis plusieurs décennies, ce qui a abouti à des évolutions dans son application. Ces évolutions marquent-elles un abandon de la logique universaliste élaborée par la Révolution, et un réalignement du droit sur des logiques que rejetaient les hommes de 1789 ?
[...] Le principe d'égalité forgé par la Révolution trouve ici une limite indéniable. La discrimination positive Les propositions visant à instaurer des mécanismes de discriminations positives s'inspirent pour partie des revendications précédemment évoquées. En effet, la discrimination positive est une politique de rattrapage entre différents groupes comme le note Gwénaële Calvès[4]. Elle présuppose donc qu'ait été identifiée préalablement une inégalité de fait entre groupes d'individus. Par l'instauration d'un traitement préférentiel, qui passe par l'octroi d'avantages quelconques, elle vise alors la restauration de l'inégalité de départ. [...]
[...] Toutes ont cette particularité de se considérer comme des minorités, c'est-à-dire en décalage par rapport au groupe dominant la société. Dès lors, si elles expriment un désir d'égalité pour beaucoup, leur volonté d'être reconnues dans l'espace public entre en conflit avec l'universalisme républicain, car cette reconnaissance se fonde sur une qualité particulière : être femme, homosexuel, occitan Ces revendications, sur le plan régional, ont abouti à des réformes fortement critiquées. C'est notamment le cas du statut de la Corse. Toutefois, ce statut n'accorde aucun droit privilégié à un groupe fondé sur ce que font les individus qui le composent. [...]
[...] Le conseil constitutionnel a considéré que cette disposition était contraire au principe d'égalité. Pourtant, d'autres mécanismes de même nature ont été déclarés conformes. C'est le cas de la troisième voie d'accès à l'ENA mécanisme consistant en un concours spécial d'entrée à l'école de la haute fonction publique. Ce mécanisme était réservé à certaines catégories de personnes. De la même manière, les mécanismes de discrimination positive territoriale qui ont été mis en place par la loi de 1995 n'ont pas été déclarés incompatibles. [...]
[...] En conséquence, le principe d'égalité donne lieu à des applications différentes. Traditionnellement[2] on en distingue trois. L'égalité devant la loi s'adresse aux autorités chargées de l'application des lois et signifie qu'elles ne doivent appliquer différemment une loi que si cette loi le prévoit. L'égalité dans la loi elle est une interdiction faite au législateur de fonder les catégories qu'il crée sur des distinctions prévues à l'avance : origine, race et religion selon l'article premier de la constitution. Enfin, l'égalité par la loi est une application récente de ce principe qui renvoie à la discrimination positive. [...]
[...] On retiendra donc que même lorsque des catégories juridiques sortent du cadre de l'universalisme, elles éprouvent le besoin de s'en revendiquer. Ce principe semble donc toujours être source de légitimation. Sous la direction de Jean-Pierre Scarano, éd. ellipses Jean Rivero, Rapport sur les notions d'égalité et de discrimination en droit public français in Les notions d'égalité et de discrimination en droit interne et en droit international Laurent Bouvet, Le communautarisme Mythes et réalité, édit. Lignes de Repères Gwénaële Calvès, La discrimination positive, coll. Que sais-je ? [...]
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