Les moyens d'interférence de l'exécutif sur la procédure législative sous la Ve République

Thèmes abordés

Ve République, France, procédure législative, séparation des pouvoirs, parlementarisme rationalisé, exécutif, législatif, de Gaulle

Résumé du document

L'exécutif, dernier des trois pouvoirs, a pour le moins été mouvant ces cent cinquante dernières années. Il a d'abord été fort et a émané du législatif. Mais cela n'a pas duré, entre 1879 et 1958, où il a été particulièrement effacé, au profit d'un législateur surpuissant. Ce n'est qu'avec l'arrivée de De Gaulle au pouvoir, en 1958, que l'exécutif trouve ou retrouve sa véritable place en France. Si ce changement est incontestablement majeur, il n'est pas moins contestable. En effet, et comme le disait Vedel dans l'inexpérience constitutionnelle de la France, De Gaulle voulait construire un « règne » présidentiel. De Gaulle le disait lui-même, dans le discours de Bayeux : l'exécutif doit être fort. S'exprimant sur les dispositions de l'alinéa trois de l'article 49 de la constitution, qui sera abordé plus tard, il remettait même le Parlement à sa place en affirmant que « le gouvernement est fait pour gouverner et le Parlement n'est que l'expression de la volonté politique nationale ».

Extraits

[...] Le Premier ministre et le président de la République sont donc en accord et le président de la République est tout aussi légitime sinon plus - car la question du mode de scrutin ne se pose pas à la présidentielle - que l'Assemblée nationale. Dans les faits, donc, le président de la République exerce une sorte d'autorité morale sur la majorité, qui rend l'Assemblée nationale parfois vide de pouvoir. Ainsi, certes, le pouvoir d'interférence directe et procédural est largement diminué depuis 2008, mais l'interférence morale est, elle, plus que jamais présente. [...]

[...] Les projets de loi sont alors inscrits au calendrier de l'Assemblée nationale ou du Sénat, en fonction du bureau sur lequel il a été déposé. Le gouvernement a alors la possibilité de contrôler l'agenda des chambres. Ce contrôle est assez limité, il ne s'agit en effet que d'un quart du temps de débat. Toutefois, le gouvernement peut imposer ses projets au débat, ce qui est une lourde incursion dans le domaine du législateur. De plus, le président de la République peut modifier la durée des sessions parlementaires pour les rallonger en cas de besoin. [...]

[...] Alors que l'article 34 fait une énumération des domaines de la loi, l'article 37 laisse au règlement et donc aux décrets du gouvernement, la capacité de prendre des dispositions dans les autres domaines. La délimitation est donc très fine, et le législateur perd une part de son pouvoir. En effet, si l'article 37 dispose que le législateur peut prendre des dispositions relevant du domaine du règlement, il dispose aussi que dans ce dernier cas, le gouvernement peut prendre des décrets concurrents. Ainsi, l'exécutif est, sur un certain nombre de questions, en capacité légale de surpasser le législatif. [...]

[...] En revanche, le vote bloqué est toujours disponible et, même si l'usage des ordonnances reste relativement rare, il est toujours ouvert. Enfin, sur la question de l'exercice des pouvoirs exceptionnels, ils restent très théoriques et ne semblent plus pouvoir réellement s'imposer. Cependant, la dynamique pourrait être trompeuse. En effet, ces limitations sont largement contrebalancées par plusieurs facteurs préexistants, mais exacerbés depuis les années 2000. Le premier d'entre eux, c'est le passage au quinquennat. Il remet en cause un bon nombre d'équilibres politiques au premier rang desquels l'indépendance du législatif. [...]

[...] Cet article est sans égal dans les autres régimes et il est souvent considéré comme l'opposition comme une arme déloyale de l'exécutif, ce qui ne l'empêche pas de l'utiliser quand elle vient au pouvoir. Outre ces deux dispositions permettant de faire une sorte de passage en force, le gouvernement a aussi la possibilité de recourir aux ordonnances. Les ordonnances sont une interférence, sans doute la plus importante, dans le pouvoir législatif. Elles permettent à l'exécutif de prendre des décrets qui auront force de loi. [...]