Au nom des « lois non écrites et éternelles des Dieux », qui « ne datent ni d'hier, ni d'aujourd'hui », Antigone paiera de sa vie pour s'être dressée contre Créon. Entre devoir d'obéissance et droit à la désobéissance, l'œuvre de Sophocle soulève des concepts qui transcendent les siècles. Entérinée par la DDHC, la résistance à l'oppression relève de la légalité ; il s'agit d'un droit inaliénable. Entendue comme le refus de se soumettre à une loi jugée injuste par ceux qui la contestent, la notion de désobéissance civile est plus problématique. Véritable interrogation sur la nature du contrat social démocratique, la désobéissance civile peut-elle être légitimée, et au nom de quels principes ? En portant un regard historique sur ce concept, ne doit-on pas préférer le terme de désobéissance civique ? Si l'obéissance à la loi de la majorité constitue la base de la démocratie, la « contestation créatrice » témoigne de la volonté de se réapproprier une souveraineté effective et d'évoluer vers un Etat de droit.
[...] A l'obéissance passive, Locke oppose une citoyenneté active et des pratiques effectives de souveraineté : Rien ne peut rendre un homme membre d'une société, qu'une entrée actuelle, qu'un engagement positif, que des promesses et des conventions expresses Ainsi, selon Hannah Arendt, la désobéissance civile devient légitime quand l'Etat rompt le pacte démocratique conclu avec le citoyen. Par la violation de l' esprit de Droit, la dynamique d'échange s'inverse et le pouvoir transféré initialement par le peuple est légitimement récupéré par la partie trompée. Néanmoins, qu'est-ce que la désobéissance sans radicalité constructive, sinon un acte apolitique ? De la désobéissance civile à la désobéissance civique Un engagement citoyen peut effectivement consister en la désobéissance. [...]
[...] Des monarchomaques à José Bové, la dynamique historique de la désobéissance Entendez-vous qu'il faut se soumettre aux lois de la société dont on est membre ? Il n'y a pas de difficulté à cela ; prétendez-vous que si ces lois sont mauvaises, il faut garder le silence ? Ce sera peut-être votre avis, mais comment le législateur reconnaîtra-t-il le vice de son administration, le défaut de ses lois, si personne n'ose élever la voix ? Et si par hasard une des détestables lois de cette société décernait la peine de mort contre celui qui osera attaquer les lois, faudrait-il se courber sous le joug de cette loi ? [...]
[...] Dans une même logique contractualiste, Rousseau voit dans l'obéissance de l'Homme son émancipation. Selon lui, désobéir est un non- sens : Quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps: ce qui ne signifie autre chose sinon qu'on le forcera à être libre De plus, la loi est l'expression de la volonté générale ; les citoyens ne sont plus confrontés à l'arbitraire du Roi puisqu'ils énoncent la loi et qu'elle est faite pour le bien commun. [...]
[...] Au travers du récent combat des faucheurs d'OGM, un autre paradoxe de la désobéissance civique se fait jour. Le désobéissant interroge de manière radicale le fonctionnement politique actuel en refusant la loi, mais il affirme dans le même temps son attachement à la Démocratie, en acceptant la sanction au regard de cette même loi. De là, la désobéissance ne vise donc pas à anéantir les règles générales de la société, mais au contraire à les préserver tout en désirant les améliorer selon les principes de justice et de Droit. [...]
[...] En portant un regard historique sur ce concept, ne doit-on pas préférer le terme de désobéissance civique ? Si l'obéissance à la loi de la majorité constitue la base de la démocratie, la contestation créatrice témoigne de la volonté de se réapproprier une souveraineté effective et d'évoluer vers un Etat de droit. (Des) obéir ? L'Etat se construit autour de l'obéissance au souverain, doublée de l'obéissance au Droit depuis Saint Augustin. Obéir au souverain est un concept central chez Hobbes. [...]
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