On ne peut expliquer les variations marqués dans la structuration des politiques de masse en Europe de l'Ouest sans retourner loin dans l'histoire » . Cette citation de Stein Rokkan vient clarifier l'idée même que défend la sociologie historique du politique : rappeler le caractère artificiel de la césure passé/présent, c'est-à-dire apprécier la persistance du passé, évaluer l'influence (sur l'action présente) des configurations sociales passées.
Le développement de cette discipline est lié à une période charnière de l'histoire : la décolonisation. Alors que de nouveaux Etats se formaient ; se posait la question de savoir comment ils se construisaient, notamment dans des espaces où cette forme d'unité politique n'avait jamais existé. C'est dans ce contexte que l'UNESCO lance en 1963 une vaste enquête de sociologie historique comparative sur la formation de l' « Etat et la construction de la Nation ». Mieux expliquer la construction des Etats européens permettaient peut-être de mieux répondre aux difficultés de ces nouveaux Etats. La première sociologie historique politique eut comme premier objet d'analyse l'Etat et la compréhension des différentes étapes de son développement.
À partir de là, plusieurs courants viennent s ‘opposer. Pour certains, d'inspiration plutôt marxiste, il faut insister sur les conditions sociales et économiques des sociétés à un moment donné, pour d'autres, plus wébériens, il faut mettre en relief les héritages culturels de l'Etat. Quand bien même ces courants se différencient par leur méthode, ils se rejoignent tous sur un seul et même fait : l'Etat se situe à un stade embryonnaire et traditionnel à la période féodale. Ainsi, expliquer le passage à l'Etat moderne, c'est d'abord montrer que l' « Etat féodal » se caractérise par plusieurs éléments fondateurs : une faible institutionnalisation du pouvoir, une forte fragmentation de la société morcelée en différents dominiums disposant d'une très faible continuité spatiale et temporelle. Comprendre et analyser le passage à l'Etat moderne, c'est finalement se demander comment et pourquoi les quelques centaines de maisons princières – de formes et de dimensions très variables à la fin du Moyen Age – ont été réduites progressivement à quelques dizaines d'Etats institutionnalisés. Mais surtout, c'est se demander pourquoi elles convergent à des rythmes variés et de manière inégale.
[...] Comme médiatrice, l'histoire permet de nouer le dialogue entre toutes ces disciplines : le modèle essaie d'équilibrer la totalité contextuelle et la simplification systématique De cette manière, le modèle de Rokkan est véritablement innovant. Cependant, il manifeste quelques limites. B. Les limites du modèle Rokkanien Dans son ouvrage Les démocraties occidentales Hanspeter Kriesi soutient que le modèle de Rokkan est limité dans la mesure où il ne prétend pas expliquer les rapports de force entre les partis. Il se contente de pronostiquer la présence ou l'absence des différents partis. [...]
[...] S'y entretient une lutte religieuse importante entre Réformistes et Contre Réformistes et c'est le moment d'un important essor du capitalisme marchand symbolisé par la croissance d'une bande de cités-Etats indépendantes qui s'étendent à travers l'Europe, de l'Italie vers la Flandre et les Pays-Bas. À partir de ces deux éléments fondamentaux de l'histoire, Rokkan tire deux variables ou préconditions et c'est à partir d'une combinaison de ces deux aspects qu'il construit sa carte conceptuelle de l'Europe. Le premier axe ou la première de ces deux préconditions correspond à la dimension Etat-culture et représente l'axe nord-sud. [...]
[...] Ainsi, alors qu'à l'ouest le pouvoir politique repose sur les villes, à l'est il repose sur le contrôle de la terre : la centralisation est plus difficile à mettre en place . Ici Rokkan met en relief les variations économico politique se rattachant à la force des villes et au pouvoir centralisateur des centres dynastiques pour la construction des Etats. Mais Rokkan va plus loin. En effet, son but n'est pas seulement d'expliquer la formation des Etats, mais aussi celle des Nations. [...]
[...] Mais surtout, c'est se demander pourquoi elles convergent à des rythmes variés et de manière inégale. Stein Rokkan, sociologue Norvégien (1921-1979) fut l'un des principal maître d'œuvre de l'enquête lancée par l'UNESCO. Reconnu comme l'un des plus imminents spécialistes des sciences sociales depuis la seconde guerre mondiale, il débute ses études en linguistique et philosophie politique pour finir spécialiste des études comparatives. Il fonde sa théorie à travers deux ouvrages majeurs : La Formation des Etats-Nations en Europe Occidentale en 1975 et Construire les Etats-Nations en 1977 et prétend comprendre et analyser le stade présent de développement politique : les politiques de masse et leur contenu à travers une large perspective historique comparative. [...]
[...] Une autre limite est soulignée par Bertrand Badie et Guy Hermet dans leurs ouvrage, la Politique Comparée Ici, c'est la méthode sociologique qui est mise en cause. Pour les deux auteurs, la reconnaissance de la charge historique qu'il y a dans chaque trajectoire de développement politique ne cesse d'entraîner Rokkan vers une analyse qui à mesure qu'elle s'affine fait de chaque Etat un cas particulier dont la comparaison avec les autres justifie la mobilisation d'un nombre sans cesse plus élevé de variables Au fur et à mesure, il dépasse les grandes tendances perçues dans la distribution géographique et il est obligé de multiplier les variables pour expliquer et différencier les multiples trajectoires politiques. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture